La traversée de mai 2023 [3]

Jour 1, 15 mai 2023 (troisième partie)


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Longueur du parcours : 66 km. Niveau de difficulté : plutôt facile (terrain généralement plat)


■ Gare Hisanohama ( 久ノ浜駅 (ひさのはまえき) )

▸ Rivière Ōhisa (大久川) : 0,5 km

▸ Belvédère de la plage Hattachi 波立海岸展望台 (はったちかいがん てんぼうだい) : 3 km

▸ Benten-jima (弁天島) : 4 km

▸ Plage Shinmaiko ( 新舞子海岸 (しんまいこかいがん) ) : 6 km

▸ Embouchure de la rivière Niida ( 仁井田川河口 (にいだがわかこう) ) : 8 km

▸ Autoroute Jōban ( 常磐自動車道 (じょうばんじどうしゃどう) ) : 19 km

▸ Sanctuaire Ogawa-suwa ( 小川諏訪神社 (おがわすわじんじゃ) ) : 29 km

▸ Gare Eda ( 江田駅 (えだえき) ) : 40 km

▸ Cascade de Kagoba ( 籠場の滝 (かごばのたき) ) : 42 km

▸ Belvédère Nishiki ( 錦展望台 (にしき てんぼうだい) ) : 43 km

▸ La grande cascade ( 大滝 (Ōtaki) ) : 45 km

▸ Gare Kawamae ( 川前駅 (かわまええき) ) : 48 km

▸ Unejiri (宇根尻) : 51 km

▸ Tanaki (棚木) : 51 km

▸ Kawamae-okinagare (川前沖流) : 55 km

▸ Natsui (夏井) : 60 km

▸ Gare Ononii-machi ( 小野新町駅 (おのにいまちえき) ) : 64 km

■ Auberge Komachinoyu (小町の湯) : 66 km


Le toit qui fend la neige

En arrivant au hameau de Tanaki (棚木), nous passons cette fois-ci sous la voie ferrée de la ligne Ban’etsutō (磐越東線), dont la charpente métallique se trouve soutenue par de vieux murs de brique à travers lesquels transpire l’histoire ferroviaire de la région (avec un peu d’imagination).

Au hameau de Tanaki, nous passons devant une maison à toit vert dont le faîte de type yukiwari-mune (雪割り棟), en hiver, fend la neige (je ne dis pas qu’il fend les flocons, hein, quand même, mais vous voyez ce que je veux dire) et l’empêche ainsi de s’accumuler et d’écraser le toit sous son poids. À cette crête tranchante s’ajoute une cheminée de type kemudashi (煙出し), précise Sider à l’intention de mon compagnon bipède, cheminée par où s’échappe la fumée de l’irori (囲炉裏) dans les maisons de campagne.

À Tanaki, nous faisons un petit détour pour aller, par curiosité, rouler sur un petit pont suspendu. Avec ses nombreuses soudures disjointes, il n’inspire guère confiance et c’est d’une roue hésitante que nous le franchissons.

Tandis que Reina lutte encore avec les caprices de connexion de son vélo Soleil rouge, nous apercevons de nombreuses glycines du Japon ( 藤の花 (ふじのはな) ) dans la forêt. Leur floraison, dans cette préfecture du Tōhoku, a lieu quelques semaines plus tard que dans la région de Tōkyō.

À Kawamae-okinagare (川前沖流) , dans la longue courbe que trace la route après la distributrice à boissons du hameau, nous passons devant Nabebushi (鍋淵, l’abysse de la casserole), où la rivière Natsui s’écoule en cascade dans son lit rocailleux.

Légèrement en amont, nous nous faufilons ensuite sous un pont aqueduc ( 水道橋 (すいどうばし) ) . Tandis que Reina passe dessous, Sider, architecte, se demande si les piles sont en pierre ou simplement en béton armé recouvert de pierres décoratives.

En arrivant à Gomizawa (五味沢), le groupe passe devant une grosse maison à toit yukiwari-mune et à cheminée kemudashi.

Jusqu’ici, nous avons roulé à travers les hameaux de la ville d’Iwaki. En arrivant au gros hameau de Natsui (夏井), nous nous trouvons dorénavant dans le bourg d’Ono-machi (小野町, un peu moins de 9 000 habitants). À partir d’ici, nous entrons dans une zone de terrain plat.

Près de la petite gare de Natsui, nous faisons une pause au sanctuaire Suwa ( 諏訪神社 (すわじんじゃ) ) du hameau, devant lequel se trouve un énorme chaudron, appelé Suwa Ōkama (諏訪大釜).

👉 土用入の神社神事である湯花祭に因み、神社より諏訪の名を拝受し信者の総意を以って安置した、大釜であります。 Il s’agit du « grand chaudron de Suwa ». Appelé ainsi et déposé ici par le sanctuaire avec l’accord consensuel de ses fidèles, il est associé au Yubana-matsuri, cérémonie du sanctuaire pour le doyō-iri.


Le doyō-iri

Pour comprendre ce qu’est le doyō-iri, il faut se taper quelques notions d’ancienne chronologie chinoise. Et comme ça peut rapidement devenir très compliqué, nous allons nous limiter à l’essentiel (ne serait-ce que pour éviter de dire des bêtises sans nous en rendre compte).

À chaque saison était associé un élément, comme suit : le bois au printemps, le feu à l’été, le métal à l’automne et l’eau à l’hiver. Or, il se trouve qu’il y avait un cinquième élément, la terre. Que faire de lui ?

On l’a inséré dans la période de 18 jours, en moyenne, qui précède chaque saison. Il s’agit, chaque fois, d’une période de transition ou d’inter-saison pendant laquelle l’élément « terre » est présent en abondance.

Cette période d’abondance de l’élément « terre » est appelée doyō (土用), et le doyō-iri (土用入), c’est littéralement l’entrée dans le doyō, donc le premier jour de cette période de transition.


De l’autre côté du chemin se trouve le sanctuaire lui-même.

Pépé et mémé

Y sont vénérés, avec le respect dû aux manifestations divines, deux arbres âgés de plus 1 200 ans. Ces deux cèdres ou cryptomères du Japon, on les appelle respectivement Jijisugi (翁杉) et Babasugi (媼杉), ce qu’on pourrait s’amuser à traduire par Crypto(pé)père et Crypto(mé)mère. 😀

De gauche à droite : pépère et mémère. On dit qu’autrefois l’approche du sanctuaire ( 参道 (さんどう) ) passait entre les deux, mais aujourd’hui, ceux-ci ayant pris de l’envergure, elle n’a d’autre choix que de les contourner.

La circonférence de chacun de ces vénérables époux atteint presque 10 mètres, et ils s’élèvent tous deux jusqu’à une hauteur de près de 50 mètres.

Derrière ce couple millénaire, tout en haut, se trouve le haiden (拝殿), bâtiment consacré au culte. Le sanctuaire fut construit, à l’époque Heian, par Fujiwara no Tsugutada, qui portait le titre de « général mateur de barbares », après qu’il ait éliminé un seigneur de village qui tyrannisait la population et les officiers affectés à l’administration des provinces. Avant d’engager le combat, ce général établit son campement sur les lieux de l’actuel sanctuaire, y répandit du sable blanc de la barrière de Nakoso (mentionnée dans le premier billet de la journée), planta des cèdres et fit le vœux de remporter la victoire. Sa campagne militaire connut un grand succès et, en signe de reconnaissance, il fit construire le sanctuaire où nous nous trouvons actuellement. Bref, la naissance de Crypto(pé)père et *Crypto(mé)mère remonterait à l’époque Heian et ils auraient été les témoins silencieux d’une partie de la conquête du nord par la cour, aux dépens des emishi (蝦夷). Nous roulons littéralement dans l’histoire du Japon et, ne serait-ce que pour cela, ça vaut le déplacement…


De là, nous poursuivons notre route vers notre destination finale de la journée, le bourg d’Ono. Entre le chemin et la voie ferrée, des iris nous caressent les pupilles.

À Kojirō (小治郎), un peu avant d’arriver à la gare Ononii-machi (小野新町駅), nous avons le plaisir de rouler sur une courte piste cyclable.

Aux environs de la gare, nous longeons la rivière Ushinatsuigawa (右支夏井川), puis roulons entre les rizières de bas-fonds ( 谷津の田んぼ (やつのたんぼ) ).

À la sortie des bas-fonds, le terrain plat cède la place à une petite route forestière ( 山道 (さんどう) ) ascendante, au bout de laquelle l’auberge nous attend.

Et, avec elle, tout ce qu’il faut pour refaire le plein d’énergie en prévision de la deuxième journée…


👉 Suite : La traversée de mai 2023 [4]


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