De choses qui poussent

Pour une raison quelconque, mon bipède a toujours cru qu’il y avait principalement de l’orge dans les champs où nous roulons, et très peu de blé. Or, rien n’est plus faux. Par exemple, en 2023, les surfaces de culture du blé (小麦) s’étendaient sur 231 700 ha de l’archipel, contre 38 900 ha pour l’orge à deux rangs (二条大麦), 19 600 ha pour l’orge à six rangs (六条大麦) et 5 520 ha pour l’orge à grains nus (はだか麦, qui lui-même peut avoir deux ou six rangs, histoire de compliquer les choses).

L’orge est très peu cultivée dans le Hokkaidō, où se trouvent par ailleurs presque la moitié des surfaces de culture du blé, mais même en excluant le Hokkaidō, la prédominance du blé sur l’orge reste très nette, dans une proportion de 99 500 hectares contre 62 250.

Du point de vue cycliste, il n’est pas toujours facile de distinguer l’orge du blé en roulant. Il faut ralentir et s’approcher.

Lors d’une récente balade, nous sommes allés voir de près et mon vieux a sorti ses lunettes de lecture (qui, d’ordinaire, servent à lire le courriel des clients sur le téléphone pendant les balades d’une journée). Cet épi présentait les caractéristiques indéniables du blé, avec sa barbe clairsemée et ses grains alignés un peu n’importe comment.

Dans une autre balade, nous nous sommes arrêtés devant un champ d’orge à deux rangs. La barbe des épis, luxuriante et touffue, permettait de distinguer l’orge du blé très facilement, même sans les lunettes de lecture. Les grains, pour leur part, s’alignaient sur deux rangs avec la droiture artificielle d’un dentier.

Nous n’avons pas encore aperçu d’orge à six rangs pour l’instant. Ça ne saurait tarder, il suffira de garder l’œil ouvert et les images suivantes à l’esprit1.

De gauche à droite : Orge à deux rangs, orge à six rangs et blé

Fait intéressant, l’orge à deux rangs possède lui aussi six rangs de grains, mais quatre sont atrophiés et imberbes. Sur les photos on distingue bien la fine et longue barbe de l’orge à deux rangs ; celle, plus touffue, de l’orge à six rangs ; et le blé, à droite, quasi imberbe.


👉 Au cours des dernières semaines, mon vieux bipède a graduellement changé le look et le contenu de la page consacrée aux résumés des balades de Geo Pottering.


Parmi les trucs intéressants découverts récemment sur Internet, il y a deux chaînes YouTube, respectivement intitulées Mikako 自然農と自給暮らし et 自然農 びより. On y parle de culture à l’ancienne, à petite échelle, sans pesticides ni engrais chimiques, dans un petit hameau de montagne où un couple s’est établi, il y a une quinzaine d’années, pour vivre en harmonie avec la nature. S’ils traitent tous deux des mêmes sujets (les trucs qu’ils cultivent), chacun le fait à sa façon : lui à l’oral, avec beaucoup de détails ; elle sans parler, car elle exprime ses pensées uniquement en sous-titres, parfois sous forme de petites réflexions tantôt mi-poétiques, tantôt mi-philosophiques… et toujours 100% sympathiques.


Hier, sur un de nos tracés habituels dans la banlieue de la ville voisine, une vieille dame cultivait dans son grand jardin potager. Comme elle était accroupie en bordure du chemin et qu’il y avait, nous semblait-il, des rangs de soja derrière elle, nous nous sommes arrêtés pour lui demander de confirmer :

  • Bonjour madame…
  • Ah, bonjour…
  • Est-ce que c’est du daizu (soja), là (en pointant du doigt) ?
  • … Où ça ?
  • Là (toujours en pointant du doigt derrière elle)
  • Ce sont des rakkasei (cacahuètes) (dit-elle à propos des minuscules plants qui commencent à peine à sortir de terre à ses pieds).

Puis elle se met, charmante, à nous expliquer ce qu’est une cacahuète.

  • Ah ben merci madame, je passe souvent par ici et je me demandais toujours ce que ça pouvait bien être (et en lui-même, mon bipède se dit qu’il ne sait toujours pas si c’est du soja, derrière)…
  • Vous habitez dans le coin (demande-t-elle avec un sourire radieux) ?

Et là la discussion démarre, avec les questions habituelles (De quel pays vous venez ? Vous êtes au Japon depuis quand ?… etc.), puis elle nous dit qu’elle a un fils qui habite dans notre ville, et qu’il est très connu ; l’idée nous vient de lui demander le nom de ce fils célèbre, histoire de savoir s’il est aussi connu des petits vélos rouges et de leurs compagnons bipèdes, mais brusquement elle change de sujet en pointant du doigt derrière elle :

  • Et ça c’est du soja !
  • Ah oui !?! Ah ben merci madame, ça aussi, je me demandais bien ce que ça pouvait bien être, on en voit partout !

Nous attendons l’explication de ce qu’est le soja, mais ce coup-ci la gentille dame n’explique pas. Sans doute se dit-elle que le soja, tout le monde sait à quoi ça ressemble et à quoi ça sert, inutile d’en faire toute une histoire. Ce qui ne nous empêche pas, de notre côté, d’en faire un petit bout de billet.


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Béni-le-Rouge

J’ai fait quelques tests et la solution est très simple, finalement... Je vais mettre des sous-titres, tout simplement. 🙂

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Béni-le-Rouge
In reply to @1961897:cactus.chat
Bonjour, Je vous suis sur kinomap. Très belles vidéos. Par contre petit conseil votre voix et trop faible pour comprendre vos commentaires. Dommage. Peut-être à corriger par la suite. Cordialement Bertrand
Merci, en effet c’est un problème qu’il faudra régler, merci de me l’avoir confirmé. 🙂
Bertrand

Bonjour, Je vous suis sur kinomap. Très belles vidéos. Par contre petit conseil votre voix et trop faible pour comprendre vos commentaires. Dommage. Peut-être à corriger par la suite. Cordialement Bertrand

Pot de moutarde

Rien à voir, mais comment fais-tu pour savoir si rapidement chaque fois que j’ai mis un nouveau billet ?

Mon rituel de fin de journée est de regarder une vidéo de Béni (ça me détend), et pour cela je passe par le blog, donc vois immédiatement si tu as publié ou non un nouveau billet :=) Comme les agriculteurs, je fais encore beaucoup de trucs à l'ancienne !

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Béni-le-Rouge

* Dans les premières vidéos du couple dont je parlais dans le billet, ils ont appris comment cultiver (ou mieux cultiver) auprès d’un vieux du village. Ton commentaire tombe bien, l’autre jour je suis allé dans un centre de recherche agricole, à vélo, et c’était pas mal intéressant. Le prochain billet va probablement parler de ça. (Rien à voir, mais comment fais-tu pour savoir si rapidement chaque fois que j’ai mis un nouveau billet ? Tu reçois les mises à jour via un client matrix.org ou bien tu n’arrives pas à trouver le sommeil tant que tu n’es pas venu vérifier s’il y a du nouveau ? Ou bien la fonction RSS du blog fonctionne même si je n’ai rien fait pous l’activer ?)

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Béni-le-Rouge

Dans les premières vidéos du couple dont je parlais dans le billet, ils ont appris comment cultiver (ou mieux cultiver) auprès d’un vieux du village. Ton commentaire tombe bien, l’autre jour je suis allé dans un centre de recherche agricole, à vélo, et c’était pas mal intéressant. Le prochain billet va probablement parler de ça. (Rien à voir, mais comment fais-tu pour savoir si rapidement chaque fois que j’ai mis un nouveau billet ? Tu reçois les mises à jour via un client matrix.org ou bien tu n’arrives pas à trouver le sommeil tant que tu n’est pas venu vérifier s’il y a du nouveau ? Ou bien la fonction RSS du blog fonctionne même si je n’ai rien fait pous l’activer ?

Pot de moutarde

J'ai grandi avec les blés, en pleine campagne. L'été, je voyais l'agriculteur qui avait le champ derrière notre maison prendre un épi de blé, le rouler entre ses paumes, souffler les enveloppes, regarder les grains et les rouler à nouveau entre ses paumes. Il faisait cela durant quelques jours, et un beau matin, hop, l'aspect du grain et sa texture lui disaient que le temps de la récolte était venu.

Des années plus tard, à l'Institut National de la Recherche Agronomique, où j'ai travaillé un temps, j'ai vu des types en blouse blanche faire la même chose avec ces mêmes grains de blé, mais avec des instruments, plein d'instruments, des microscopes, des chromatographes, des microduromètres, des scalpels, tout ça, et à la fin de la journée ils notaient leurs résultats dans des grands cahiers de laboratoire pleins de racines carrées. Eux aussi cherchaient à quel moment le grain avait les meilleures qualités attendues.

Ils ne connaissaient pas l'agriculteur de notre village, et notre agriculteur ne les connaissaient pas non plus. Ça m'étonnait beaucoup.

Ce qui m'a aussi étonné en te lisant, c'est que tu aies vu des cacahuètes, des machins qui dans mon esprit ne poussaient que dans les pays tropicaux (vraiment tropicaux, avec des crocodiles dedans). Étonnement supplémentaire en découvrant sur Wikipédia que l'arachide est une légumineuse, comme le soja, alors que les légumineuses, j'ai passé deux années de ma jeunesse à les étudier de près à l'Institut des Blouses Blanches ci-dessus. Apparemment pas d'assez près :(


  1. Ces illustrations, empruntées sur un site quelconque, seront remplacées par des photos de notre cru dès que nous mettrons la main sur de l’orge à 6 rangs. ↩︎