Gare d’Ishioka — 石岡駅

Ce matin, Grincheux m’a extirpé du futon en m’implorant d’aller faire avec lui le tour du lac Kasumigaura (霞ヶ浦), au nord-est de Tokyo. C’est un paradis du cyclisme, a-t-il insisté, avec sa Ring-Ring Road (りんりんロード), qui fait le tour du lac et monte vers le nord-ouest en passant par le mont Tsukuba.

Malheureusement pour lui, la météo prévoyait des vents du nord-est peu favorables, ou disons non optimaux, pour aller se balader dans ce coin. Alors au lieu de descendre du train à la gare Tsuchiura (土浦駅) de JR, nous avons poursuivi jusqu’à celle d’Ishioka (石岡駅).

Mais revenons un peu en arrière. À la gare de Tsuchiura, pendant que le train faisait une pause pour se défaire de ses cinq premières voitures, Grincheux, dans la voiture № 9, grinchait à la vue de la salle d’attente, dont la décoration montre bien l’importance du cyclisme dans cette région. Il y a même des cyclistes qui arrivent des quatre coins du Japon par l’aéroport régional d’Ibaraki…

Pour cette sortie du samedi 6 octobre, nous avions au menu (lire « j’avais imposé à Grincheux ») un vrai parcours de voilier : nous allions hisser les voiles à la gare d’Ishioka et naviguer vers le sud-ouest (via le GPS Garmin Edge Touring fixé au guidon de Grincheux) jusqu’au canal Tone (利根運河) avec le vent du nord-est dans le dos pour la plus grande partie d’un périple zigzagant d’environ 80 km.

À Ishioka, alors que nous venions à peine de commencer à rouler, nous avons freiné vivement devant la façade d’un magasin, le Jūshichiya-shōten (十七屋商店). Sa construction remonte à 1930.

  • T’as vu la devanture, Grincheux ? Toute en panneaux de bois… Ça a vraiment de la gueule.

  • La prochaine fois, il faudra passer pendant les heures d’ouverture, pour aller voir l’architecture intérieure de ce 履物屋.

  • hakimonoya ?

  • Euh… un magasin de chaussures

Nous sommes ensuite sortis de la ville pour prendre les chemins de traverse, en évitant le plus possible la circulation automobile, donc via les rizières, les champs et les villages.

Grincheux sur la piste de la rivière Koisegawa (恋瀬川)

Au bout d’environ une heure, alors que nous roulions sur une route rurale, nous sommes tombés sur une espèce de baraque où l’on vendait des kiwis et des poires.

Grincheux s’est exclamé :

  • Des 王秋梨 !

  • ōshūnashi ?

  • Des poires, une variété mi-chinoise, mi-japonaise… un croisement. Elles sont tardives, on les récolte de la fin octobre au début janvier. J’en veux une !

La paysanne qui tenait ce petit commerce en bordure de route vendait ses grosses poires au prix de 600 yens pour deux. Ça m’embêtait un peu, puisque je n’avais pas de sac à dos et allais devoir les attacher au guidon, sur un mini-vélo déjà pas très stable…

  • Bonjour Madame ! Vous les vendez aussi à l’unité ?
  • Oui bien sûr…
  • Alors j’en prendrai une s.v.p., dans un sac si possible, pour l’attacher au guidon.

Et voilà-ti pas que la dame, tout en mettant la poire dans un sac, se met à m’offrir des kiwis en prime et à me poser un tas de questions. Vous allez où comme ça ? Vous venez d’où ? Oui, mais de quel pays ? Vous faites un reportage ? Ah non ? Mais vous avez un site Web et vous allez présenter mon kiosque pour les touristes, c’est ça ?

Et moi de répondre à sa mitraille, sous le regard amusé de Grincheux : je vais jusque dans le coin de Noda en prenant des photos de la campagne; je viens de la gare d’Ishioka; oui, je viens du Canada mais aujourd’hui d’Ishioka, c’est ça; non j’ai juste un petit blog, avec tout au plus 2 ou 3 lecteurs (rire gêné, 苦笑).

On rigole un peu, et chaque fois que j’essaie d’enfourcher Grincheux pour continuer mon chemin, elle me pose une nouvelle question. Elle est sympa, il fait beau, ça sent la campagne, bref c’est un beau samedi sous le ciel bleu de la préfecture d’Ibaraki.

Plus loin, donc toujours plus au sud-ouest, du trottoir d’une route au trafic un peu dense, nous tombons sur un resto appelé « Bonjour » (ボンジュール).

Ça nous fait sourire, puis nous quittons la route avec empressement pour couper à travers le village. Comme toujours, Grincheux insiste pour qu’on s’arrête et prenne une photo chaque fois qu’il aperçoit de grosses maisons de paysans riches.

Pour ma part, de temps à autre j’aime bien quitter notre trajet GPS si un beau temple rural vaut le détour…


Le conseil (avare) de Grincheux

Niponika Bulogula insiste toujours pour acheter une première bouteille d’eau à la gare, par prudence, mais par la suite nous n’arrêtons que devant les machines isolées, parce que la bouteille d’eau ou de thé, au lieu de coûter 120 ou 130 yens, n’y coûte souvent que 100 yens.

P.S.: La poire et les kiwis sont dans le sac attaché à mon guidon. Plusieurs heures et quelques bosses plus tard, ils sont arrivés à la maison un peu amochés. Il va falloir penser à une solution pratique pour ce genre de situation.


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