Découvrir la rizière (2)

Dans le billet précédent, j’ai terminé sur une note un peu contradictoire, en disant que reviendrais seulement après avoir lu et digéré le livre d’ASAKAWA, alors que j’avais commencé le billet en écrivant que j’allais procéder sur le mode de la balade à vélo improvisée, donc par petites étapes et sans nécessairement savoir à l’avance où je vais. Je réajuste donc le cap de cette série de billets, quitte à parfois rebrousser chemin, à faire fausse route, à tomber dans l’erreur et à m’embourber dans ma propre pensée.

Un truc qui m’intéresse, et sur lequel des données sont disponibles, c’est la superficie des surfaces rizicoles (de riz aquatique). Dans son recensement quinquennal, dont le dernier remonte à 2020, le ministère de l’Agriculture présente des données sur les superficies cultivées pour la vente du riz et sur le nombre d’entités de gestion ( 経営体 (けいえいたい) ) rizicoles.

La définition de ces unités de gestion, qui s’ajoute à celles du billet précédent sur les ménages, est la suivante : « Ce sont, d’une part, les ménages agricoles qui cultivent au moins 30 ares ou dont les ventes annuelles de produits agricoles se chiffrent à au moins 500 000 yens, et, d’autre part, les entrepreneurs qui effectuent des travaux agricoles sous contrat.

👉 Pour l’ensemble du pays, le nombre d’unités de gestion est passé de 952 292 en 2015 à 713 792 en 2020. Soit une diminution de 25 % (238 500) en cinq ans.

👉 En comparaison, la superficie totale des surfaces cultivées (toujours pour le riz aquatique) n’a diminué que de 2 % (elle est passée, en chiffres ronds, de 1,3 à 1,2 million).

Les petites exploitations disparaissent les unes après les autres…

Nombre d’entités de gestion (経営体) selon la superficie cultivée, 2015 → 2020

Moins de 0,5 : 381 575 ↘ 252 115

0,5 - 1,0 : 279 693 ↘ 197 689

1,0 - 2,0 : 159 732 ↘ 131 919

2,0 - 3,0 : 50 555 ↘ 46 208

3,0 - 4,0 : 37 734 ↘ 36 164

4,0 - 5,0 : 26 175 ↗ 28 002

5,0 - 10,0 : 8 017 ↗ 9 501

15 ou plus : 8 811 ↗ 12 194

…tandis que la proportion de grandes surfaces cultivées augmente.

Superficie totale des surfaces cultivées (en hectares) 2015 → 2020

Moins de 0,5 : 111 702 ↘ 74 715

0,5 - 1,0 : 193 276 ↘ 134 960

1,0 - 2,0 : 220 613 ↘ 178 122

2,0 - 3,0 : 122 272 ↘ 109 251

3,0 - 4,0 : 143 982 ↘ 134 967

4,0 - 5,0 : 180 637 ↗ 190 329

5,0 - 10,0 : 98 010 ↗ 113 673

15 ou plus : 241 611 ↗ 349 637

👉 Remarque : 1 hectare = 1,4 terrain de foot.


Ce qu’il y a derrière ça, c’est l’amendement de la loi sur les terres agricoles de 2009. Il a permis aux entreprises privées de s’introduire dans l’agriculture, secteur d’activité qui leur était interdit depuis la réforme agraire de l’après-guerre. En 2023, près de 4 000 entreprises (chaînes de supermarché, fabricants de produits alimentaires, banques, etc.) louaient des terres pour en faire l’exploitation agricole (source). La face des rizières à travers ou le long desquelles nous roulons n’a peut-être pas changé, mais la réalité derrière, elle, n’est plus du tout la même.


J’ai lu sur ce sujet avant-hier et hier. Ce ne sont que quelques petits coups de pédales dans la question, qui est complexe et fortement sujette à polémique. Elle déborde sur un tas de questions et problèmes qui opposent des camps antagonistes sur des thèmes chauds comme la sécurité alimentaire du pays dans la situation internationale actuelle, la bonne ou mauvaise foi des bureaucrates, les intérêts de la JA (toute puissante association de coopératives agricoles qui domine le secteur de l’agriculture au Japon), l’usage des pesticides — dont notamment le glyphosate — dans l’agriculture, et j’en passe. Les couteaux volent souvent bas, et parfois, le discours aussi. Mais c’est fascinant. Et on s’y perd vite. D’où l’intérêt de la chose…

J’ai aussi réalisé qu’avant de lire les livres et articles sur le sujet, il valait mieux se familiariser avec les termes employés par le ministère de l’Agriculture (j’abrège toujours son nom… il faudrait dire le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche ( 農林水産省 (のうりんすいさんしょう) ), mais c’est un peu long pour de si petits billets).

Lors du recensement de 2020, de nombreux nouveaux termes ont été ajoutés et définis par le ministère.

Sur ce schéma qui compare les termes des recensements de 2015 et 2020, et où il faut regarder les moitié de droite et de gauche, comme qui dirait… « en miroir », on voit que la réorganisation de la terminologie peut avoir un impact sur les chiffres obtenus dans le dénombrement des entités de gestion agricoles ( 農業経営体 (のうぎょうけいえいたい) , aux extrémités gauche (2015) et droite (2020) du schéma).

Il y a maintenant des termes comme 個人経営体 (こじんけいえいたい) et 団体経営体 (だんたいけいえいたい) , au lieu de 家族経営体 (かぞくけいえいたい) et 組織経営体 (そしきけいえいたい) . Le passage de 家族経営体 à 個人経営体, donc de la famille à l’individu, est très intéressant. Sur le site de l’Université de Hiroshima, on trouve du matériel de référence utilisé dans un cours sur la production alimentaire et sa gestion au Japon, et dans un des documents on parle de cette transition du modèle familial au modèle individuel dans l’agriculture. On en reparlera sûrement…


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