Sur les traces de Geo Pottering (32)
Hiroshige à vélo : Tour de l’arrondissement d’Arakawa [5]
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Tracé et points d’intérêt du parcours
Longueur du parcours : 30 km. Niveau de difficulté : Facile (terrain plat) . (Les étapes présentées dans ce billet sont en retrait dans la liste ci-dessous.)
■ Gare ( 日暮里駅 )
▸ Musée du train (トレイン ミュージアム) : 0,3 km
▸ Fujimizaka (富士見坂) : 0,8 km
▸ Temple Shushōin (修性院) : 0,9 km
▸ Boulangerie ianak! : 1,2 km
▸ Parc Nishi-Nippori (西日暮里公園) : 1,5 km
▸ Sanctuaire Suwa-jinja (諏方神社) : 1,8 km
▸ Temple Enmei-in (延命院) : 2,4 km
▸ Rue marchande 谷中銀座 : 2,5 km
▸ Tōsho Bunko (東書文庫) : 10 km
▸ Arakawa-shako (荒川車庫) : 11 km
▸ Parc d’attractions Arakawa-yūen (あらかわ遊園) : 13 km
▸ Vestiges de la fabrique de laine de Senju (千住製絨所跡) : 19 km
▸ Grand pont Senju (千住大橋) : 20 km
▸ Parc Shioiri (汐入公園) : 22 km
▸ Sanctuaire Ishihama-jinja (石浜神社) : 23 km
▸ Temple Enmei-ji (延命寺) : 24 km
▸ Temple Ekō-in (回向院) : 24 km
▸ Pont Minowa (三ノ輪橋) : 25-26 km
▸ Temple Jōkan-ji (浄閑寺) : 27 km
▸ Parc Nippori (日暮里公園) : 28 km
▸ Nippori Sen’igai (日暮里繊維街) : 30 km
▸ Habutae Dango (羽二重団子) : 30 km
■ Gare ( 日暮里駅 ) : 30 km
Dans cette balade de la série consacrée aux Cent vues célèbres d’Edo, il ne nous reste plus qu’à rouler avec Geo Pottering vers la sixième des six estampes de l’actuel arrondissement d’Arakawa. Des lieux de la cinquième estampe, nous arrivons au très joli pont Shirahige (白鬚橋), achevé en 1931. Pour les piles de ce pont barbu par où passe l’avenue Meiji, on a utilisé du sapin de Douglas, précise l’auteur de Geo Pottering, architecte de profession.
🚴 Tout près de ce pont dit de la « barbe blanche » se trouve le sanctuaire Ishihama (石浜神社). Dans le billet précédent, nous avions fait le zoom sur la cinquième estampe pour signaler la présence du torii et des lanternes de pierre du sanctuaire Suijin. De nos jours, ledit sanctuaire ne se trouve plus à cet emplacement, car il a été déplacé et intégré au sanctuaire Ishihama ; il correspond, sur la photo ci-dessous, à l’extrémité droite du bâtiment, là où se trouve Sandaliasu de dos sur la photo.
🚴 En direction des lieux de la sixième estampe, le parcours passe par un pont piétonnier ( 歩道橋 ) dont la vue en plongée donne sur la gare Sumidagawa de JR Freight, du côté sud de la gare JR Minami-Senju (南千住駅, pour le transport des voyageurs). Dans le compte rendu japonais de la balade, l’auteur s’étonne à la vue, au loin, de tours d’habitation là où s’était autrefois épanouie une zone industrielle née du transport maritime sur le fleuve Sumida et du transport terrestre des marchandises qui passaient par cette base ferroviaire.
À la descente de ce pont piétonnier, le temple Enmei-ji (延命寺). Tout près d’ici se trouvait autrefois, c’est-à-dire à l’époque Edo, un des deux grands lieux d’exécution ( 仕置場 ) de la capitale. Il s’agit du Kozukahara-keijō ou Kozukappara-keijō. Il occupait une superficie de 108 x 54 mètres, en gros là où passent aujourd’hui les lignes ferroviaires. La version japonaise de Wikipédia précise que les corps des personnes exécutées y étaient ensuite abandonnés tels quels sur le sol ou à peine recouverts d’une mince couche de terre, et que l’odeur nauséabonde y attirait les chiens sauvages et les belettes. Pour l’anecdote, j’ajoute que moi et mon compagnon bipède apercevons parfois des belettes sur la piste cyclable du fleuve Tone, quand nous roulons tôt le matin.
Le jizō de la photo ci-dessus a pour nom Kubikiri-jizō (首切り地蔵 ), le jizō des têtes coupées
Le nom de ce lieu d’exécution vient de celui du bourg où il se trouvait, Kozukahara-machi, qui s’écrivait 小塚原町. Mais il pouvait aussi, par allusion à la nature des lieux, s’écrire et se dire 骨ヶ原 , le « champ aux os ».
Autre fait à noter, c’est ici qu’a vu le jour le Kaitai Shinsho (解体新書), toute première traduction vers le japonais d’un ouvrage de langue occidentale. Il s’agit d’un ouvrage d’anatomie en quatre volumes rédigé en japonais à partir, principalement, de la version néerlandaise d’un livre d’anatomie allemand. Si les détails vous intéressent, c’est ici.
🚴 Le trajet de la balade pénètre ensuite de biais sous l’arcade d’une rue marchande qui a pour nom Joyful Minowa (ジョイフル三ノ輪). Celle-ci, petites rues transversales incluses, s’étend sur environ 400 mètres.
Yukkī passe devant les étalages appétissants de l’arcade
Les cyclistes de Geo Pottering sourient avec nostalgie en passant devant un garagarapon (ガラガラポン), petit jeu de loterie traditionnel…
Après avoir traversé l’arcade d’est en ouest, le groupe arrive à une gare de la ligne de tramway Toden, d’où il s’engage dans un étroit passage aboutissant cette fois-ci… à l’entrée de l’arcade, où se trouve le terminus du tramway.
La gare de tramway Arakawa-itchūmae ( 荒川一中前停留場 )
Le passage étroit
De retour à l’arcade, cette fois-ci devant l’entrée principale
Derrière, le terminal Minowabashi ( 三ノ輪橋停留所 ) de la ligne de tramway Toden
Le tramway au terminal Minowabashi, prêt à partir pour Waseda (早稲田)
Dans les environs immédiats, le parcours passe devant un marchand de biscuits de riz, 桜せんべい . Faits à la main, sans additifs ni colorants, ces délicieux sembei n’ont rien à voir avec les produits industriels des supermarchés et kombini. Salīna et Sider n’ont pas pu y résister…
L’étape suivante de cette balade est le temple Jōkanji (浄閑寺). On dit de lui qu’y furent jetés, lors du grand séisme de l’ère Ansei survenu en 1855, les corps de plus de 500 prostituées du quartier des plaisirs de Shin-Yoshiwara (新吉原). D’où son surnom 投げ込み寺 , « temple où l’on jette [les corps] ». On dit également que leur nombre total y dépassait les 25 000 lorsque ledit quartier fut « fermé » en 1958.
🚴 Nous arrivons finalement sur les lieux, ou presque, de la sixième et dernière estampe de cette balade. « Presque », parce que les lieux réels étant aujourd’hui occupés par des maisons et immeubles, le groupe a dû se contenter d’un petit parc situé à proximité pour imaginer le paysage peint par Hiroshige.
L’estampe a pour titre 蓑輪金杉三河しま , traduit comme suit sur Wikipédia : « Minowa, Kanasugi et Mikawashima » (estampe 102).
Minowa, Kanasugi et Mikawashima, mai 1857
👉 À première vue, on y distingue des habitations, deux grues et un homme. Voyons de quoi il retourne…
Il s’agit de trois anciens villages autrefois situés au nord-ouest du quartier des plaisirs, dont nous venons tout juste de parler. Deux grues du Japon (Grus japonensis), symboles de longévité, y occupent la scène avec leur splendide livrée blanche et leur « tache vermillon sur la tête », d’où les kanjis utilisés pour désigner ce grand oiseau appelé tanchō : 丹頂 .
Les grues du Japon, autrefois présentes à Edo, ne se trouvent plus aujourd’hui que dans l’est du Hokkaidō. Elles étaient en voie d’extinction au Japon à l’ère Meiji (1868-1912), puis on a cru l’espèce éteinte jusqu’à ce qu’on l’aperçoive de nouveau en 1924. Sa population connaît ensuite une croissance jusqu’au milieu des années 1960, avant de décroître à nouveau, en partie à cause des nombreux décès provoqués par des collisions avec les câbles électriques aériens. Les efforts déployés pour les nourrir, à partir de la deuxième moitié des années 1970, ont permis à l’espèce de reprendre de l’expansion.
Complètement à droite, sous l’arbre, on peut voir l’esquisse d’une petite clôture. Hiroshige évoque peut-être ainsi la palissade ( 矢来 ) que l’on installait autour de la zone où étaient attirées chaque année les grues avec de la nourriture, comme le fait vraisemblablement l’homme qui, dans le champ, porte sur ses épaules un tembinbō (天秤棒), barre de bois servant à transporter des charges. La grue du haut, qui encadre littéralement tout le haut du paysage, procédé récurrent chez Hiroshige, semble vouloir y picorer avec son long bec, dont l’alignement parfait avec la source de nourriture n’est sans doute pas une coïncidence (je dis ça comme ça, sans référence, parce que ça m’a frappé quand j’ai remarqué la présence de l’homme dans le champ).
À cet endroit, près des trois villages mentionnés dans le titre, le shōgun pratiquait la fauconnerie ( 鷹狩 ). Je dis le shōgun… il faudrait préciser. Le premier, Tokugawa Ieyasu (1543-1616), raffolait de la fauconnerie. Le cinquième, Tokugawa Tsunayoshi (1646-1709), en limita considérablement la pratique dans le cadre d’une série de lois destinées à protéger les animaux, aussi bien domestiques que sauvages. C’est avec le huitième, Tokugawa Yoshimune (1716-1745), que la pratique reprend de plus belle. Dans son billet consacré à cette estampe, le photographe Kichiya explique que ce shōgun s’en servit même, semble-t-il, pour resserrer son contrôle sur la noblesse militaire ( 武家 ) et les seigneurs ( 大名 ), en autorisant des informateurs à pénétrer partout, sous prétexte de pouvoir suivre les oiseaux que chassait le shōgun, car ces officiers, en tant que torimi (鳥見), avaient pour tâche officielle de repérer pour le shōgun les endroits où le gibier convoité se trouvait en grand nombre.
Du point de vue strict de la fauconnerie, le shōgun, ayant reçu les rapports de ses observateurs (les torimi), partait à la chasse avec son faucon sur le bras et celui d’un fauconnier ( 鷹匠 ), car la capture de ces grands oiseaux par un seul faucon n’était pas chose facile. Les entrailles du gibier capturé (un ou deux oiseaux) étaient données aux faucons, tandis que le gibier était soit servi au shōgun, soit salé pour être envoyé à Kyōto pour l’empereur (je passe sur les détails).
Il ne s’agissait toutefois pas des grues du Japon qui figurent sur l’estampe. La viande de celles-ci, en fait, n’avait pas bonne réputation au Japon. On la disait dure et fade (肉が堅く不味い), nous dit la version japonaise de Wikipédia. Bien plus appréciées étaient la grue à cou blanc (マナヅル) et la grue moine (ナベヅル), comme l’illustre bien cet extrait d’un vieil emaki (絵巻).
Le fauconnier accourt pour aller saisir la grue à cou blanc capturée par le faucon, grue reconnaissable à son œil entouré de rouge, tandis que deux grues moines s’enfuient. Pour l’image complète de l’emaki, cliquez ici.
Aujourd’hui, précise l’auteur de Geo Pottering, Mikawashima n’évoque plus à l’esprit des gens la présence des grues du Japon, mais celle de la communauté coréenne qui s’y est établie, principalement originaire de la province de Jeju en Corée du Sud.
Cette balade, qui nous a fait découvrir six estampes des Cent vues célèbres d’Edo, se termine en bouclant la boucle à la gare de Nippori, où se trouvent le quartier du textile de Nippori ( 日暮里繊維街 ) et ses boutiques.
Sans oublier, insiste Sider, le Habutae Dango (羽二重団子), marchand de dango dont la fondation remonte à 1819.
Salīna, sourire aux lèvres, en pleine dégustation de dango
Le mot du compagnon bipède
Je pense l’avoir dit déjà quelques fois, mais ces comptes rendus des balades ne sont pas des traductions de la version japonaise. Ce sont plutôt des billets basés sur le contenu de la version japonaise dans lesquels Béni-le-Rouge résume l’essentiel du parcours, laisse de côté certains éléments pour diverses raisons et s’attarde sur certains autres pour d’autres raisons tout aussi diverses. Pour le dire en deux mots : selon ses préférences.
Il essaie aussi, au sujet des étampes, de les présenter en s’écartant de la description et des explications que l’on trouve sur la page française de Wikipédia consacrée aux Cent vues célèbres d’Edo. D’une part parce que ça évite la redondance, et de l’autre parce que, souvent basée sur la version anglaise de Wikipédia, elle ne satisfait pas Béni, qui aime bien aller picorer ici et là sur les sites japonais pendant que je prends, tant bien que mal, des notes avec ma plume…
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