Sur les traces de Geo Pottering ­(30)

Hiroshige à vélo : Tour de l’arrondissement d’Arakawa [3]


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Tracé et points d’intérêt du parcours


Longueur du parcours : 30 km. Niveau de difficulté : Facile (terrain plat) . (Les étapes présentées dans ce billet sont en retrait dans la liste ci-dessous.)


■ Gare ( 日暮里駅 (Nippori-eki) )

▸ Musée du train (トレイン ミュージアム) : 0,3 km

▸ Fujimizaka (富士見坂) : 0,8 km

▸ Temple Shushōin (修性院) : 0,9 km

▸ Boulangerie ianak! : 1,2 km

▸ Parc Nishi-Nippori (西日暮里公園) : 1,5 km

▸ Sanctuaire Suwa-jinja (諏方神社) : 1,8 km

▸ Temple Enmei-in (延命院) : 2,4 km

▸ Rue marchande 谷中銀座 (Yanaka Ginza)  : 2,5 km

▸ Tōsho Bunko (東書文庫) : 10 km

▸ Arakawa-shako (荒川車庫) : 11 km

▸ Parc d’attractions Arakawa-yūen (あらかわ遊園) : 13 km

▸ Vestiges de la fabrique de laine de Senju (千住製絨所跡) : 19 km

▸ Grand pont Senju (千住大橋) : 20 km

▸ Parc Shioiri (汐入公園) : 22 km

▸ Sanctuaire Ishihama-jinja (石浜神社) : 23 km

▸ Temple Enmei-ji (延命寺) : 24 km

▸ Temple Ekō-in (回向院) : 24 km

▸ Pont Minowa (三ノ輪橋) : 25-26 km

▸ Temple Jōkan-ji (浄閑寺) : 27 km

▸ Parc Nippori (日暮里公園) : 28 km

▸ Nippori Senigai (日暮里繊維街) : 30 km

▸ Habutae Dango (羽二重団子) : 30 km

■ Gare ( 日暮里駅 (Nippori-eki) ) : 30 km


Après les chaussures traditionnelles et les chats en bois de Yanaka Ginza, cette sixième balade (si j’ai bien compté) se poursuit de l’autre côté de la voie ferrée, donc à l’extérieur de la grande boucle que forme la ligne Yamanote, en traversant d’abord le parc Tabatadai (田端台公園). Vous l’avez peut-être oublié, mais nous sommes passés ici au tout début d’une ballade précédente qui faisait le tour de l’arrondissement de Kita (北区).

La présente balade continue ensuite vers le nord-ouest, jusqu’à la ligne de tramway Toden Arakawa (都電荒川線). À son apogée, le tramway de la préfecture métropolitaine de Tōkyō comptait 41 lignes, et, en 1943, transportait près de 2 millions de personnes par jour. Aujourd’hui il ne reste plus qu’une seule ligne, qui forme un arc de cercle de 12,2 km.

Du même élan, les vélos sortent de l’arrondissement d’Arakawa pour poser leurs roues dans celui de Kita et aller y jeter un coup d’œil sur un bâtiment de style Art déco, qu’ils n’avaient pas eu le temps d’aller regarder lors de la balade précédente.

Les murs extérieurs du bâtiment sont en « tuile rainurée » (スクラッチタイル… je n’ai pas trouvé de traduction officielle, mais celle-ci est étant explicite, elle fera l’affaire).

Un autre tramway, rouge celui-là, est passé près du groupe. Selon Sandaliasu, depuis quelque temps les tramways sont littéralement « enveloppés » de publicités, forme de pollution visuelle dont on pourrait fort bien se passer.

Le trajet passe ensuite devant un bain public ( 銭湯 (せんとう) ), une espèce en voie d’extinction, de préciser l’auteur de Geo Pottering, qui a la nostalgie des bains publics des quartiers populaires de Shitamachi — par opposition à Yamanote —, avec leurs cheminées par lesquelles sortait la fumée du bois de chauffage utilisé pour garder l’eau des bains bien chaude.

Yukkī, Salīna et Sandaliasu passent devant un bain public intégré au rez-de-chaussée d’un petit immeuble à appartements, dans l’arrondissement d’Arakawa.

À l’étape suivante du parcours, le groupe fait une pause à la « Place du souvenir de Toden » ( 都電おもいで広場 (とでんおもいでひろば) ), devant un tramway de la série 5500, dont la fabrication remonte à 1954. Celui de la photo porte le numéro 5501, observe Sider en prenant la photo, et en conclut qu’il s’agissait vraisemblablement du tout premier tramway de cette série.

Yukkī, Makorin, Sandaliasu et Salīna

Salīna à bord de la cabine du conducteur. Il y en avait une à l’avant et une autre à l’arrière, chose rare pour un tramway d’une seule voiture.

Le point d’intérêt suivant du parcours est le 延命子育地蔵尊 (Enmei-kosodate jizōson) , bénéfique, comme le dit son nom, pour la longévité ( 延命 (えんめい) ) et l’éducation familiale ( 子育て (こそだて) ). Le site Web de la mairie de l’arrondissement précise qu’il est particulièrement efficace les jours du mois qui finissent par « 2 », donc le 2, le 12 et le 22. Parmi les quelques statuettes bouddhiques exposées qui remontent à l’époque Edo, il y a un bodhisattva ( 菩薩 (ぼさつ) ) qui frappe les visiteurs par les traits réalistes de son visage, ce qui n’est généralement pas le cas des bodhisattvas.

L’Enmei-kosodate jizōson de l’arrondissement d’Arakawa

Le groupe passe ensuite devant le parc d’attractions Arakawa-yūen, dont l’accès est gratuit… mais qui était alors fermé pour cause de travaux de rénovation, ne devant rouvrir qu’en 2022.

Salīna devant la grande roue du parc d’attractions

De là, les vélos et leurs cavaliers se rendent sur la rive sud du fleuve Sumida (隅田川).

Le fleuve Sumida, juste au nord du parc d’attractions. De l’autre côté, l’arrondissement d’Adachi (足立区).

L’étape suivante est celle des vestiges de la fabrique de laine de Senju ( 千住製絨所 (せんじゅせいじゅうしょ) ). Cette fabrique nationale, créée en 1879 par le nouveau gouvernement Meiji, allait lui permettre de ne plus dépendre des importations pour ses uniformes militaires. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une partie du mur de brique rouge qui entourait autrefois l’enceinte.

Le mur de brique de l’ancienne fabrique

Tout près de là, le groupe arrive sur les lieux de la troisième estampe de la balade, au Grand pont de Senju ( 千住大橋 (せんじゅおおはし) ).

L’estampe s’intitule elle aussi le « Grand pont de Senju » (estampe 103 sur Wikipédia).

Sa construction, ordonnée par Tokugawa Ieyasu, a été achevée en 1594 sur le fleuve Sumida (autrefois appelé Arakawa à cette hauteur du cours d’eau). Extrêmement robuste, ce premier pont construit par le gouvernement militaire a résisté aux intempéries pendant toute l’époque Edo (1603-1868), ne se laissant finalement emporter par le courant qu’en 1885, à l’occasion du passage d’un typhon. Dans sa série de billets consacrés aux Cent vues célèbres d’Edo, le photographe Kichiya explique que les poutres du pont étaient en « maki-no-ki » (槙の木), et ajoute que, par contraste, un autre pont construit sur ce même fleuve une centaine d’années plus tard, le 新大橋 (Shin Ōhashi) a dû être reconstruit pas moins de 20 fois. Le compte rendu de Geo Pottering nous apprend que l’arbre utilisé pour les poutres du pont de l’estampe est plus précisément un 高野槇 (kōyamaki) , le pin parasol du Japon, arbre qui mérite une petite citation tirée de Wikipédia :

Sciadopitys verticillata, aussi appelée Pin parasol du Japon, est une espèce relique d’arbres conifères, de l’ordre des Pinales, famille des Sciadopityaceae. Difficile à situer dans la classification, les particularités morphologiques de cette espèce attestent d’une évolution très particulière et énigmatique. (source)

La version japonaise de Wikipédia indique pour sa part qu’on utilisait déjà cet arbre très résistant à l’eau pour la fabrication des cercueils… à la période Kofun. C’est au Japon, son lieu d’origine, qu’il peut atteindre sa pleine croissance et s’élever jusqu’à 30 ou 40 mètres de haut.

Son nom, pin parasol, ne vient pas de la forme de l’arbre lui-même, mais de celle de ses feuilles.

Encore une fois, les avis sont partagés sur l’identité des montagnes que l’on aperçoit à l’horizon sur l’estampe. Pour certains, il s’agirait des monts Chichibu ( 秩父連山 (ちちぶれんざん) ) puisque la vue est saisie par le peintre vers l’amont en direction du nord-ouest, depuis la rive de l’actuel arrondissement d’Arakawa. Ce qu’on aperçoit à droite de l’estampe, à mi-hauteur, est le relais de Senju ( 千住宿 (せんじゅしゅく) ).

Pour d’autres, il s’agirait plutôt des monts Nikkō ( 日光連山 (にっこうれんざん) ), d’une part parce qu’ils ressemblent par la forme à leur représentation sur les autres estampes de la série, et, d’autre part, parce que les lieux peints ici se trouvent sur la route Nikkō Kaidō (日光街道), d’où il s’ensuit que le peintre aurait symboliquement exprimé le lien entre le relais, la route et les monts en mettant, sur la même estampe, le relais dans la moitié inférieure, les monts dans la moitié supérieure, et des nuages entre les deux pour établir la continuité symbolique plutôt que topographique. (Je vous dis ça dans mes propres mots, là, mais l’idée vient de Henry D. Smith dans son livre sur les Cent vues).

Dans le compte rendu japonais de la balade, Sider précise que cette façon de diviser une scène en deux avec des nuages est courante dans la peinture traditionnelle japonaise. De son côté, le photographe Kichiya défend la thèse des monts Chichibu, parce que le pont a été construit avec du pin parasol et que ledit bois était acheminé par le fleuve, de la région de Chichibu au relais, où se trouvaient des commerces de bois d’œuvre (sur l’estampe, de l’autre côté du pont, on peut distinguer plusieurs grosses piles de bois près des bâtiments à toit de chaume jaune). Pour Kichiya, cette estampe ne symbolise pas le lien entre le relais et les monts Nikkō, mais plutôt celui entre le relais et les monts Chichibu, car au moment où Hiroshige a peint les lieux, Edo se relevait du séisme de 1855 qui l’avait dévastée, d’où le désir du peintre, sur cette estampe, d’exprimer ce lien entre Chichibu et le bois d’œuvre utilisé pour reconstruire la capitale.

Hiroshige, lui, reste muet sur la question dans l’intitulé de l’estampe. J’avoue que, personnellement, le contraire m’aurait un peu déçu…


Le mot du compagnon bipède

Le 3 mai, nous sommes allés rouler du côté de la préfecture de Saitama pour aller contempler le koinobori géant. Le compte rendu japonais est disponible ici, et la vidéo de la balade ici.

Le petit Béni a fait ça comme un grand, tout heureux de rouler sans jamais dérailler. Et il a hâte au 15 mai, parce que nous irons rouler trois jours avec Geo Pottering dans la préfecture de Fukushima, pour la première moitié d’une traversée de l’île de Honshū qui les mènera jusqu’à la préfecture de Niigata et la Mer du Japon. Béni aurait bien voulu se taper toute la traversée (qui dure une semaine), mais ça sera pour une autre fois.

À suivre…


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