Sur les traces de Geo Pottering ­(26)

Hiroshige à vélo : Tour de l’arrondissement de Katsushika [2]


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Tracé et points d’intérêt du parcours


Longueur du parcours : 40 km

Niveau de difficulté : Facile (terrain plat)

(Les étapes présentées dans ce billet sont en retrait dans la liste ci-dessous.)


■ Jardin botanique ( 堀切菖蒲園 (Horikiri-shōbu-en) )

▸ Parc ( 堀切水辺公園 (Horikiri-mizube-kōen) ) : 1 km

▸ Centre de détention de Tōkyō ( 東京拘置所 (Tōkyō kōchisho) ) : 5 km

▸ Parc hydrophile ( 曳舟川親水公園 (Hikifunegawa-shinsui-kōen) ) : 8 km

▸ Gare ( 亀有駅 (Kameari-eki) ) : 13 km

▸ Sanctuaire ( 亀有香取神社 (Kameari-katori-jinja) ) : 14 km

▸ Pont ( 中川橋 (Nakagawa-hashi) ) : 15 km

▸ Digesteur « planétaire » (!) ( 地球釜 (chikyūgama) ) : 16 km

▸ Pont ( 閘門橋 (Kōmon-bashi) ) : 22 km

▸ Parc ( 水元公園 (Mizumoto-kōen) ) : 26 km

▸ Temple ( 南蔵院 (Nanzō-in) ) : 27 km

▸ Prises d’eau en forme de chapeau : 32 km

▸ Transbordeur ( 矢切の渡し (Yagiri-no-watashi) ) : 33 km

▸ Temple ( 柴又帝釈天 (Shibamata Taishakuten) ) : 34 km

▸ Gare ( 柴又駅 (Shibamata-eki) ) : 35 km

▸ Sanctuaire ( 清瀧神社 (Seiryū-jinja) ) : 36 km

▸ Sanctuaire ( 立石熊野神社 (Tateishi-kumano-jinja) ) : 39 km

▸ Pierre ( 立石様 (Tateishi-sama) ) : 39 km

■ Gare ( 立石駅 (Tateishi-eki) ) : 40 km


À la fin du dernier billet, nous étions arrivés au parc hydrophile 曳舟川親水公園 (Hikifunegawa-shinsui-kōen) , sur les lieux de la deuxième estampe. Ce jour-là (le 7 juin 2020), un petit garçon y pêchait des écrevisses (ザリガニ) avec son papa.

Autrefois, les eaux de la rivière Hikifunegawa (曳舟川) coulaient ici, dans l’actuel arrondissement de Katsushika. Elle portait le nom des embarcations qu’on y halait (曳舟), les kanjis utilisés signifiant respectivement le halage ( (ひく) tirer) et le bateau ( (ふね) ). Bateaux au pluriel par ailleurs, comme sur la deuxième estampe de la balade, intitulée 四ツ木通 用水 引ふね (よつぎどおり ようすい ひきふね) .

Les bateaux halés du canal Yotsugi-dōri, février 1857, estampe 33 sur Wikipédia

Encore une fois Hiroshige déforme la réalité au profit de l’effet visuel, cette fois-ci en faisant serpenter le cours de la rivière Hikifunegawa, rectiligne, qu’il avait devant les yeux.

Sur l’estampe, de petites embarcations à quatre places, appelées « sappako » (サッパコ), sont tirées par des haleurs sur le chemin de halage — le seul de la capitale, semble-t-il — qui longe la rivière Hikifunegawa (littéralement, la rivière des embarcations halées). Avant l’époque d’Hiroshige, cette rivière avait fait office de canal d’alimentation en eau potable, mais à l’époque du peintre (fin d’Edo), ses eaux servaient plutôt à l’irrigation des rizières, son lit au transport du fumier d’excréments humains et, comme sur l’estampe, aux déplacements des voyageurs. En lieu et place de la route Mito-kaidō (水戸街道), cette voie fluviale fournissait aux voyageurs un confortable raccourci d’environ sept kilomètres en ligne droite, pour aller dans la direction de Mito. La faible profondeur de l’eau ne permettait pas d’y naviguer en ramant. Les haleurs ont rempli leur fonction à cet endroit jusqu’en 1880, année où la profession s’y est éteinte sous la concurrence des pousse-pousse ( 人力車 (じんりきしゃ) ).

Dans le tiers supérieur de l’estampe, un peu avant le pont, on aperçoit plusieurs embarcations amarrées à l’extrémité du chemin de halage. De là, les voyageurs n’avaient plus qu’un petit kilomètre à parcourir pour atteindre Kameari (亀有)… prochaine étape du tracé GPS de la balade. La route Mito-kaidō passait vraisemblablement par le pont, au haut de l’estampe, en direction de Kameari.

Dans son livre sur les Cent vues (名所江戸百景・広重画), Miyao SHIGEO explique que le brouillard, sur les peintures, symbolisait autrefois par convention le lointain. Toujours attentif aux détails, Henry D. Smith remarque pour sa part qu’étant donné l’orientation de la rivière (voir la photo du parc, tout en haut du présent billet), ce devrait être effectivement le mont Tsukuba qui se profilait à l’horizon, mais qu’Hiroshige semble avoir préféré y mettre les monts Nikkō.

Pour nous aider à visualiser, j’ai importé les coordonnées du mont Tsukuba et des monts Nikkō dans le logiciel GpsPrune. La flèche de droite pointe vers le premier, et celle de gauche vers les seconds.

On peut ensuite reporter ces deux flèches sur une autre estampe des Cent vues, la quinzième, où figurent les monts Nikkō et le mont Tsukuba. La forme des monts Nikkō, sous le pinceau de Hiroshige, y ressemble bien aux montagnes qui se profilent à l’horizon sur notre estampe 33.

Estampe 15 des Cent vues, avec, au loin sur la gauche, les monts Nikkō

Dans le parc hydrophile complètement à sec ce jour-là, les membres de Geo Pottering ont accepté de faire la pose pour imiter les haleurs de l’époque Edo…

Les Cent vues célèbres de Tōkyō, « Ne pouvant haler à l’étang du parc hydrophile Hikifunegawa », juin 2020 ^_^


L’étape suivante de la balade est celle de la gare 亀有駅 (Kameari-eki) . Les vélos s’y rendent par la rue marchande du côté nord et sont accueillis, à la sortie nord de la gare, par la statue d’un célèbre personnage de manga, le policier Ryō-san (両さん).

Le tracé de la balade croise plusieurs fois Ryō-san, que ce soit au parc Kameari (亀有公園), ou, après un chemin calme peu fréquenté par les voitures, au sanctuaire 亀有香取神社 (Kameari-katori-jinja) .

Au sanctuaire Kameari-katori, Salīna et la statue de Ryō-san dans sa pose célèbre où il invite les jeunes à viser haut dans la vie : « Allez les jeunes, visez cette étoile ! » (少年よ、あの星をめざせ!).

🚴 À suivre…


Le mot du compagnon bipède

Comme pour toutes les autres balades de cette série sur les estampes, il y aurait beaucoup de choses à dire et de détails à ajouter. Il faut trier, faire des choix. La version japonaise des comptes rendus est beaucoup plus riche en détail que la version française (notamment sur la topographie, ancienne et actuelle). Je « tranche dans le gras » en essayant d’imaginer ce qui intéressera le plus les lecteurs, mais j’ajoute aussi parfois des détails pour rendre le texte plus accessible aux francophones. Ça donne souvent des versions françaises un peu courtes, mais cette brièveté cache parfois beaucoup de temps de recherche, de réflexion et d’hésitations (il faut souvent du temps pour bien comprendre et pour ne pas rater les nuances dans les sources consultées). Souvent, dans une langue étrangère, ce n’est qu’après avoir traduit une phrase qu’on en saisit tout le sens. Tous les traducteurs vous le diront (enfin, j’imagine).

Inutile de dire que je le fais en grande partie pour moi, pas seulement pour les lecteurs, pour mieux comprendre et « sentir » où je roule (ou roulerai) dans la capitale, qui, en passant, ne m’intéressait pas beaucoup avant de découvrir cette série de billets sur Geo Pottering. J’y apprends aussi des choses qui m’aident à mieux comprendre et à mieux observer quand je roule à la campagne, dans les rizières et à travers les bourgs. Quelle que soit la direction prise, le paysage y prend tout son sens. ^_^


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