Sur les traces de Geo Pottering (24)
Les Cent vues d’Edo de Hiroshige à vélo : Rendez-vous aux parcs Inokashira et Nogawa [2] (Balade du 30 mai 2020, troisième partie)
Liens : Compte rendu en japonais / Fichier gpx en français / Google Map / Garmin Connect / Ride With GPS
Tracé et points d’intérêt du parcours
Longueur du parcours : 65 km
Niveau de difficulté : Facile (terrain plat)
(Les étapes franchies dans ce billet sont en retrait dans la liste ci-dessous.)
■ Harimazaka
▸ Parc Edogawa : 2 km
▸ Auditorium Ōkuma de l’Université Waseda : 3 km
▸ Pont Suehiro : 7 km
▸ Parc Sanshi-no-mori : 11 km
▸ Parc Inokashira : 20 km
▸ Parc Nogawa : 29 km
▸ Temple Jindaiji : 33 km
▸ Sanctuaire Fudaten : 35 km
▸ KEIO Floral Garden ANGE : 37 km
▸ Parc Sanshi-no-mori : 55 km
■ Harimazaka : 65 km
Parc Inokashira
🚴 Le 4 mars dernier, nous nous sommes quittés au parc Inokashira, sur les lieux de la deuxième estampe de cette balade. Aujourd’hui nous allons suivre Geo Pottering sur le trajet qui termine la boucle, en passant par deux parcs, un temple et un sanctuaire… sans oublier de visiter les lieux de la troisième et dernière estampe.
Le parc Inokashira se trouve à quelques minutes à pied de la gare 吉祥寺駅 (Kichijōji-eki) de JR, ce qui en fait un point de départ optionnel idéal pour parcourir la boucle.
À la sortie du parc, la balade se poursuit vers le sud-ouest en direction du prochain lieu de rendez-vous : le parc Nogawa (野川公園). Et pour cela, elle passe d’abord par la rue marchande Shimorenjaku (下連雀), puis longe une petite ceinture verte de production agricole.
下連雀の商店街 : la rue marchande de Shimorenjaku
生産緑地 : ceinture verte de production (à droite)
Les vélos pénètrent ensuite dans le parc Nogawa par son entrée nord, puis y longent la rivière Nogawa (野川).
Au parc, Makorin et Shinchenzō se joignent au groupe pour casser la croûte avec un bentō_ acheté tout près. COVID-19 oblige en ce printemps 2020… la distance sociale nécessaire est maintenue entre les cyclistes.
社会的な距離を保ちつつお弁当をいただき、しばしまったり。En maintenant la distance sociale entre eux, [les cyclistes] cassent la croûte et jouissent d’un moment de détente.
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Après cette pause, Mukaeru fait bande à part pour retourner chez lui, tandis que les autres membres poursuivent leur chemin vers le sud-est, en direction du temple Jindaiji (深大寺). Ce qu’ils font en longeant d’abord la rivière Nogawa, parsemée ici et là de promenades accessibles aux vélos, puis en empruntant la rue Jindaiji ( 深大寺通り ).
Makorin et Shinchenzō sur la rue Jindaiji
Au temple, les lieux sont presque déserts en cette période de pandémie. Quelques commerces restent ouverts des deux côtés de la « route de visite » ( 参道 ), mais les cyclistes se heurtent à une porte principale ( 山門 ) fermée.
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Environ 1,5 km plus au sud, le quatuor cycliste pénètre dans l’enceinte du sanctuaire Fudaten ( 布多天神社 ).
布多天神社社殿 Bâtiment principal du sanctuaire Fudaten
境内では毎月第2日曜日に骨董市が開かれます。水木しげるの『ゲゲゲの鬼太郎』では、鬼太郎はこの本殿裏の森に住んでいることになっているそうです。
Un marché d’antiquités se tient dans l’enceinte [du sanctuaire] le deuxième dimanche de chaque mois. Dans la bande dessinée Kitarō le repoussant de Shigeru Mizuki, c’est dans la forêt qui se trouve derrière le bâtiment principal du sanctuaire qu’habiterait Kitarō.
La route de visite du sanctuaire, de son vrai nom « Tenjin-dōri » (天神通り), est appelée « Kitarō sandō » par les résidents du coin, et les créatures étranges de la bande dessinée se manifestent ici et là dans la rue marchande du quartier…
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Deux kilomètres plus loin, près de la gare 京王多摩川駅 (Keiō Tamagawa-eki, encore une gare d’où pourrait commencer et finir la boucle de cette balade), le groupe s’est arrêté au « KEIO Floral Garden ANGE » pour aller contempler les fleurs. En voici quelques-unes, tirées du compte rendu japonais de la balade.
アジサイ (hortensia)
アルストロメリア (alstroemeria, « lis des Incas » ou « lis du Pérou »)
薔薇 (ばら) (rose)
ヤナギハナガサ (verveine de Buenos Aires)
アリウム・ギガンテウム (allium giganteum, ail géant de l’Himalaya ou oignon géant)
Venue à travers champs, monts et rivières, Makorin se réjouit à la vue de cette luxuriante floraison.
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En arrivant au fleuve Tamagawa (多摩川), le groupe s’étiole de nouveau, Makorin repartant à travers champs, monts et rivières ^_^ , tandis que les trois membres restants bifurquent vers le sud-est en roulant sur la piste cyclable. Mais pour un court moment seulement, car bientôt Shinchenzō disparaît à son tour, traversant le pont 多摩水道橋 (Tamasuidō-bashi) pour aller rouler en solo.
Mājiko et Sider poursuivent leur chemin jusqu’au sanctuaire Ōmiya Hachimangū (大宮八幡宮). De là, Sider se retrouve fin seul pour terminer la balade.
Mājiko sur la route 荒玉水道 (Aratama-suidō) , direction nord-est
À la gare du pont Omokage ( 面影橋駅 ), le tramway arrive au moment même où le cycliste atteint le pont.
La gare du pont Omokage
Le pont Omokage
Ce pont doit son nom (littéralement le « pont de l’image » ou « pont du visage ») à la tradition orale, selon laquelle les femmes qui perdaient l’être aimé (soit l’époux, soit l’amant, selon la version) s’y jetaient à l’eau, croyant apercevoir l’image (le reflet) de l’être regretté à la surface…
Nous sommes ici sur les lieux de la troisième estampe, intitulée 高田姿見のはし俤の橋砂利場 , que Wikipédia (estampe 116) traduit par « Ponts de Sugatami et d’Omokage, Jariba près de Takata ».
Euh, en langage simple de vélos pliants, nous dirions plutôt « Le pont Sugatami, le pont Omokage et la gravière de Takata », pour mieux nous comprendre entre nous.
高田姿見のはし俤の橋砂利場 , janvier 1857
Le pont qui figure à l’avant-plan est un pont recouvert de terre ( 土橋 ). C’était le type de pont le plus courant à l’époque Edo pour les petits ouvrages, les tabliers en planches étant réservés, semble-t-il, aux ponts les plus importants, et il n’existait que quelques rares ponts en pierre). Le tablier de ces ponts recouverts de terre étant fait de troncs d’arbres accolés sans interstices, et non de planches de bois comme on peut lire en français sur Wikipédia pour cette estampe (au moment où j’écris ces lignes). Il y a bien un pont de planches ( 板橋 ) sur l’estampe, mais c’est le plus lointain des deux, à droite, et non celui à l’avant-plan.
Il fallait, avec de la terre, égaliser le tablier de ces ponts entre les troncs, pour permettre aux gens d’y marcher aisément. Celui de l’estampe semble, en plus, recouvert d’une belle couche de mousse végétale ( 苔 ). Si vous avez la chance, un jour, de mettre la main ou de poser le regard sur le livre intitulé « 名所江戸百景・広重画 », publié par Miyao SHIGEO (宮尾 しげを) aux Éditions Shūeisha ( 集英社) en 1992, vous pourrez mieux apprécier cette mousse qui recouvre le tablier. Cette édition est réputée pour la qualité de reproduction des estampes des Cent vues d’Edo.
Il faut aussi préciser, pour les lecteurs francophones, que l’actuel pont « Omokage » de la rivière Kanda s’écrit comme suit :
面影橋 (Omokage-bashi)
tandis que sur l’estampe, on retrouve
俤の橋 (Omokage-no-hashi) pour le pont homophone (ou presque) qui surplombait ladite rivière alors qu’elle faisait office d’aqueduc de Kanda (sous le nom de 神田上水 (かんだじょうすい) ), aqueduc dont nous avons parlé dans le premier billet de cette balade.
Il y a, au sujet des deux ponts qui figurent sur l’estampe, un petit détail digne d’intérêt. Hiroshige, dixit Henry D. Smith, intitulait ses estampes en respectant la composition du paysage, de l’avant-plan à l’arrière-plan (du plus proche élément au plus lointain).
Toujours selon Smith, pour cette estampe Hiroshige s’est probablement inspiré d’une illustration de Hasegawa Settan intitulée 姿見橋俤のはし et sur laquelle les deux ponts sont clairement identifiés, celui à l’avant-plan y étant appelé Omokage, et le deuxième, plus loin à droite, Sugatami. Le contraire, donc, de l’estampe d’Hiroshige…
« Les ponts Sugatami et Omokage », tiré du « Guide illustré des lieux célèbres d’Edo » ( 江戸名所図会 ), (1834-1836). Le nom est clairement indiqué au-dessus de chaque pont.
De deux choses l’une, ou bien Hiroshige s’est carrément trompé, ce dont on peut fortement douter, d’autant plus que la création des estampes était un véritable travail d’équipe réalisé avec le graveur, l’imprimeur et l’éditeur ; ou bien c’est un peu plus subtil que cela. Pour y voir plus clair, toujours dixit Henry D. Smith, il faut savoir que le nom des ponts de la rivière Kanda pouvait varier d’un document à l’autre. Une certaine confusion aurait d’ailleurs régné à ce sujet à l’époque Edo, qui mena, à l’ère Meiji, à une révision officielle de la nomenclature des ponts. C’est ainsi que le Sugatami d’Hiroshige et l’Omokage d’Hasegawa devinrent officiellement le pont Omokage.
De nos jours, la vue sur la rivière Kanda depuis le pont Omokage ne donne plus que sur un lit tout à l’étroit dans son corset de béton, et sur des bâtiments élevés.
Finissons sur une note moins triste, en revenant sur la tradition orale. Ne trouvez-vous pas bizarre que les gens aient pu apercevoir le reflet ou l’image de l’être aimé dans les eaux d’une rivière ? Moi aussi. Les eaux calmes d’un lac ou d’un étang conviendraient mieux…
Or, toujours selon Smith, il y avait autrefois dans les environs immédiats un grand étang appelé 鏡の池 , littéralement « l’étang-miroir » . C’est de cet étang-miroir que la tradition orale se serait inspirée pour donner leurs noms aux ponts qui se trouvaient tout près, Sugatami (姿見) étant composé des caractères de « forme ou silhouette » et de « voir ou regarder »), et Omokage (俤) pouvant signifier image ou visage.
🚴 Fin de la balade
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