Sur les traces de Geo Pottering (14)
Les Cent vues d’Edo de Hiroshige à vélo : estampe 10
(Balade du 4 janvier 2020)
Des membres de Geo Pottering sur le pont Kita-Shinagawa, janvier 2020
Tracé et points d’intérêt du parcours
Liens : Compte rendu en japonais / Fichier gpx en français / Google Map / Garmin Connect / Ride With GPS / Vidéo
Longueur du parcours : 21 km
Niveau de difficulté : Facile (terrain plat)
Trajet jusqu’à la troisième estampe du parcours (dixième de la série)
■ Entrée de Shinagawa-shuku (gare Shinagawa ou Kita-Shinagawa)
▸ … (billets précédents)
▸ Le monument des batteries de canons
▸ … (billets suivants)
■ Gare Tamachi
🚴 Dans le dernier billet, le groupe s’est arrêté devant la pierre tombale de la grosse baleine capturée autrefois dans la baie d’Edo. Nous allons maintenant poursuivre jusqu’à l’emplacement de l’estampe suivante. Il se trouve tout près de celui de l’estampe précédente, que voici, avec une flèche pointant vers une fortification militaire appelée godaiba en japonais.
Le godaiba (御台場 batterie de canons) indiqué par la flèche ci-dessus ne correspond pas à l’actuel Odaiba (お台場) bien connu de Tōkyō. Pour comprendre de quoi il retourne, faisons un peu d’histoire. Juste un peu.
Après la venue du commodore Perry dans la baie avec sa menaçante flotte de vaisseaux de guerre, en 1853, le bakufu (gouvernement militaire) entreprend de faire construire 11 ouvrages de défense au large de Shinagawa. (Rappelons également, pour le plaisir de la chose, que c’est aussi par là que Godzilla arrivera au Japon une petite centaine d’années plus tard.)
Citons Geo Pottering :
第一・第二・第三・第五・第六台場は完成しましたが、第四と第七台場は建設途上で中止、残りは着工前に中止されます。このうち現存するのは第三と第六で、第三台場は台場公園として整備されているので行ったことがある方もいるでしょう。 |
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Les batteries de canons 1, 2, 3, 5 et 6 ont été achevées, la construction des batteries 4 et 7 interrompue, et celle des autres batteries abandonnée avant le commencement des travaux. Parmi ces batteries subsistent la troisième et la sixième ; la troisième a été réaménagée pour créer le parc Daiba, où certains d’entre vous sont sans doute déjà allés. |
La batterie 6, qui forme une petite île visible depuis le Rainbow Bridge, n’est pas accessible au public.
La batterie 4, en forme d’étoile à cinq branches, s’appelait « Gotenyama-shita Daiba » (御殿山下台場). C’était la seule à ne pas se trouver dans la baie, mais plutôt sur sa rive. Si elle avait été achevée, elle aurait aligné 154 canons face à la baie. Aujourd’hui, on y trouve une école primaire devant laquelle a été érigé un monument commémoratif sous la forme d’un phare entouré de pierres retrouvées dans les vestiges d’une des anciennes batteries.
Si on traduit le nom de cette batterie 4, on obtient la batterie au pied de la colline du palais. Le palais en question était l’ancien palais d’Edo, qui se trouvait tout près de là. Cette colline, elle aussi, a été rasée et n’existe donc plus aujourd’hui. Elle figure toutefois sur une estampe d’une autre série de Hiroshige, intitulée 東都名所 (lieux célèbres de la capitale de l’Est, donc d’Edo).
La colline du palais (Gotenyama), par Hiroshige, vers 1830-1844.
À l’époque, les gens allaient sur cette colline pour y contempler les cerisiers. Tokugawaya Ieyasu en avait fait planter 1 000 de 1661 à 1673, puis Tokugawa Yoshimune en avait fait ajouter 600 en 1717. La colline du palais, aujourd’hui disparue, a légué son nom à la rue Gotenyama (rue du palais).
Lorsque Hiroshige a de nouveau peint les lieux, en 1856, il l’a fait sous un angle et dans un but tout différents de la première estampe.
La colline du palais à Shinagawa, avril 1858, estampe 28 sur Wikipédia
Sur cette estampe, Hiroshige montre la cicatrice infligée à la colline par l’extraction des pierres utilisées pour construire les fortifications militaires. Le contraste entre les deux estampes est saisissant, entre l’avant et l’après Perry, si l’on veut. Précisions ici que nous sommes également à l’époque des grands séismes de l’ère Ansei, dont les secousses ont laissé des traces sur la topographie des lieux, désolés sur la moitié inférieure de l’illustration.
Sur une estampe de Hiroshige intitulée « Shinagawa » et publiée la même année dans une autre série d’estampes, on peut voir les mêmes lieux sous un angle différent qui montre la falaise excavée, l’ancienne station d’hébergement Shinagawa-shuku (où nous avons commencé cette balade), la baie et ses batteries de canons, qui s’avéreront inutiles et ne seront pas achevées, face à l’écrasante supériorité des fameux vaisseaux noirs…
À suivre
Post-Scriptum du compagnon bipède de Béni
Anse de Shinagawa, 28 janvier 2023
Samedi matin, j’ai pris cette photo depuis le pont Kita-Shinagawa (北品川橋), qui surplombe l’anse de Shinagawa (品川浦), c’est-à-dire au même endroit que sur la première photo du présent billet. Prise de l’autre côté du pont, celui d’où la rivière Meguro venait autrefois se jeter dans la baie, elle montre bien qu’il n’y reste plus qu’un trognon (excusez le terme) qui se termine en cul-de-sac à quelques dizaines de mètres de là. À droite, des cabanes de pêche, et à gauche, de vieilles maisons à peine protégées des crues par une petite haie de blocs de ciment. Quand on connaît les effets dévastateurs du passage des typhons, la montée des eaux qu’ils provoquent, ça fait frémir de regarder ces habitations à nos pieds, juste en bas du petit pont…
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