Fin de route — 突き当り, et quand la crevette fait la courbette

Branleux sur la scène du mystère non encore résolu

Courte sortie aérobie de deux heures aujourd’hui, pour donner quelques coups de pédales entre deux contrats.

Ce bout de piste cyclable, atteint de gigantisme bitumineux, ce n’est pas la première fois que je le présente sur ce blog. La première fois, un fidèle lecteur de Dijon m’avait fait part de son étonnement par courriel, et de l’énigme que lui posait la présence de ce feu de circulation apparemment inutile.

Or, si vous voulez bien m’accompagner pour un petit détour discursif, il se trouve que je donne de petites leçons de français quotidiennes à une adorable dame. Elles portent principalement sur :

  • la diction,
  • l’élocution,
  • l’articulation
  • et la prononciation.

Tout ça pour le même prix, puisque c’est la même chose.

Ces leçons se fondent sur une méthode révolutionnaire de l’enseignement des langues étrangères, qui consiste en ceci :

L’adorable dame lit quelque chose en français, et si je ne comprends pas, je lui fais répéter jusqu’à ce que je comprenne.

Cette méthode est révolutionnaire — mais pas encore brevetée — en ceci qu’elle ne requiert aucun effort ni aucune préparation de la part du professeur.

Elle convient parfaitement au tarif de mes leçons, qui sont gratuites, puisque l’adorable dame dont il est question ici est en fait mon adorable épouse, que je qualifie d’adorable pour éviter toutes représailles lorsqu’elle lira ceci.

Or, il se trouve que cette adorable créature, au cours d’une leçon où elle pratiquait sa diction, son élocution, son articulation et sa prononciation en lisant un billet de Niponika Bulogula, me demanda également à quoi pouvait bien servir ce feu de circulation.

J’ai donc profité de ma sortie aérobie d’aujourd’hui pour aller prendre une autre photo. Je n’étais plus trop certain de l’endroit exact, mais comme il est question ici d’une piste cyclable, je n’avais qu’à la suivre tout bêtement pour tomber inévitablement sur ce bout de piste atteint de gigantisme et côtoyé par un feu de circulation qui semblait n’avoir été planté là que pour emmerder les automobilistes. La rencontre entre le cycliste et le gigantisme s’est produite au bout de 22,2 km.

J’ai alors pris une première photo (celle ci-dessus), puis une autre (oui, ci-dessous), sous un autre angle, pour montrer à mon lecteur de Dijon et à mon adorable élève qu’il y avait en fait une route perpendiculaire qui venait se terminer juste à cet endroit. Et cette fin de route (突き当り) avait elle aussi, eh oui, son feu de circulation.

Branleux sur la scène du mystère résolu perpendiculairement

Le mystère étant résolu, nous avons fait demi-tour, Branleux et moi.

Comme toujours, le cimetière du Temple du bonheur total (満福寺墓地) nous attendait à quelques kilomètres au sud.

Cimetière du Manpukuji à Noda, le long de la piste cyclable du fleuve Edo


Parlant de leçons de français, il faut que je partage avec vous une petite anecdote qui vaut, elle aussi, le détour discursif.

L’autre jour, mon adorable élève n’arrivant pas, malgré tous ses efforts, à prononcer le mot « courbette » de manière satisfaisante pour mes deux oreilles francophones, je pris la décision de le lui écrire sur un bout de papier. Ce qui, au bout d’un instant de confusion, la fit éclater de rire.

Il faut savoir qu’en japonais il n’y a pas de différence entre le « r » et le « l », ni entre le « v » et le « b ». Or, courbette contient un « r » et un « b », et qui plus est, ils sont collés l’un sur l’autre comme ça ne se voit jamais en japonais.

Toujours est-il que, pour une oreille japonaise, le mot « courbette » peut donner ce qui suit :

  • courbette
  • coulbette
  • courvette
  • coulvette

Une seule de ses réponses est la bonne et elle s’impose d’elle-même pour un francophone, mais pour une oreille japonaise, le défi est de taille.

Et c’est là, chers lecteurs, que la surprise de mon adorable élève à la vue du mot « courbette » couché sur le papier provoqua chez elle un éclat de rire digne d’un petit billet sur Niponika Bulogula. Parce que n’ayant jamais lu le mot « courbette » sur le papier, mais l’ayant souvent entendu et en connaissant le sens, elle s’était elle-même convaincue que nous, francophones, étranges créatures capables de prononcer tout un tas de consonnes l’une à la suite de l’autre sans jamais se blesser à la langue, disions en fait « crevette » par métaphore, puisque la crevette, c’est bien connu, a le dos rond.

D’où tout le mal qu’elle avait à prononcer le mot « courbette », puisque, dans son adorable petite tête, une petite crevette faisait la courbette.



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