小山駅→古河駅...のつもり

La carte ci-dessus montre le trajet d’environ 56 km que nous avions prévu pour ce samedi 5 février 2022. Concrètement, ça donnait une heure et demie de train pour arriver vers 9 h 00 du matin à la Gare Oyama de JR, puis le parcours GPS nous mènerait contre le vent à travers champs hivernaux et rizières gelées jusqu’au pied du mont Ōhira (大平山), suivi d’une montée athlétique et d’une redescente rapide, puis d’une agréable balade rurale jusqu’à la rivière Watarasegawa (渡良瀬川), après quoi nous n’aurions plus qu’à nous laisser glisser, vent dans le dos, jusqu’à la gare de Koga.

Ça, c’était le plan.

La réalité, elle, nous réservait quelques surprises.

Dans le train, en réfléchissant un brin je réalise que je n’ai pas apporté de lampe, donc s’il y a un imprévu (crevaison, bris, etc.) et que le parcours prend plus de temps que prévu, les derniers kilomètres se feront dans le noir, puisque la piste cyclable n’est pas éclairée. Petite pensée désagréable, mais pas suffisamment dérangeante pour modifier le plan de la journée.

Et comme il y a mieux à faire dans le train que de penser aux mille et un malheurs à l’affût sur les sentiers du bonheur, autant se laisser bercer par le cheval de fer en regardant par la fenêtre du conducteur.

La descente à la gare JR d’Oyama est l’occasion de présenter notre nouveau compagnon de voyage, un petit Dahon K3 à roues de 14 pouces. Avec ses trois vitesses, il peut se lancer à l’assaut des collines, tandis que sur le plat il roule sans trop forcer à 25 km, avec des pointes de 30 km/h quand le cavalier dispose de l’énergie nécessaire dans les jambes… et d’un petit vent dans le dos pour l’aider.

Il lui fallait un nom, nous avons choisi « Béni », de l’homophone japonais 紅, qui représente cette couleur rouge :

« Béni », pour quelqu’un qui souhaite que sa journée à vélo se déroule bien, ça avait un petit quelque chose de rassurant. D’autant plus qu’en voulant apporter la chambre à air de rechange de Grincheux, nous avions réalisé à la dernière minute qu’elle n’était pas compatible avec les roues de Béni. Il fallait donc éviter toute crevaison ce jour-là, d’où cet appel discret à la bienveillance des cieux.

Ceux-ci se firent très discrets dès le départ, parce qu’en voulant sélectionner le parcours Oyama-Koga sur notre GPS, impossible de le trouver. Le fichier n’était pas sur l’appareil.

Panique, angoisse et frustration. Sans parcours GPS, la seule option disponible sera de rouler vers les montagnes au nord-ouest, puis de suivre le même tracé en sens inverse jusqu’à la gare de départ au lieu de filer vers le sud-est jusqu’à la gare de Koga.

  • T’es sûr que le parcours Oyama-Koga n’est pas sur le GPS ? demande Béni.
  • Non, j’ai regardé deux fois la liste, et il n’y a rien…
  • Tu pourrais peut-être regarder encore une fois, on ne sait jamais…
  • D’accord, une dernière fois…

Béni soit-il ! Il y avait, à la toute fin de la liste des parcours enregistrés sur ma carte SD, un fichier intitulé « - », avec, juste à côté, la longueur : 56,4 km.

Et là tout se met à s’expliquer de soi-même dans ma pauvre tête : par mégarde, j’avais enregistré le nom du fichier en japonais (小山駅ー古河駅.gpx), mais mon GPS n’est pas compatible avec les caractères japonais. Il affichait donc simplement « - ».

Fin de la panique, de l’angoisse et de la frustration.

Ragaillardis, nous partons aussitôt vers le nord-ouest, contre le vent, en contemplant les montagnes enneigées tout au loin sur notre droite.

Du côté gauche, où nous allons bifurquer et rouler un moment, la rivière Omoigawa (思川) semble suivre doucement le cours de ses pensées.

Quelques kilomètres plus loin, les sentes rizicoles louvoient, parfois bitumées, parfois rocailleuses, le long des collines. Béni accuse le choc des passages caillouteux sans se plaindre, vibrant de tout son cadre.

Dans un bourg, peut-être celui de Yamato (倭町), une affiche que la photo ne montre malheureusement pas nous prévient, sur la gauche, que nous allons traverser un passage étroit, à nos risques, sur un terrain privé que le proprio accepte gentiment d’ouvrir à la communauté.

Ce passage étroit nous mène à un parc dont le petit pont, avec une étonnante originalité, se nomme le « Pont du parc » (こうえんばし).

Un peu plus loin, des canards passent cette journée d’hiver sur la rivière Usumagawa (巴波川), avec pour toile de fond ironique le caractère de l’étang (池) sur l’enseigne du Marché de fruits et légumes « Ike ».

Sur notre propre rive, un pauvre arbre avait été élagué dans toute sa verte verticalité, tandis qu’un domicile tout longiligne s’était faufilé entre deux voisins pour se faire une place au soleil près du cours d’eau.

Plus loin, un arbre plus chanceux avait été conservé dans toute sa splendeur pour mettre en valeur de vieux bâtiments dont les murs exhalaient d’agréables relents de l’histoire locale.

横山郷土館

Au pied du mont Ōhira, Béni fit la pose pendant que je faisais la pause avant d’attaquer la montée.

Cette montée devait faire tout au plus (ou moins) 200 mètres en hauteur — beaucoup plus en distance —, mais l’asphalte refusant de collaborer par endroits, certains passages abrupts et cahoteux nous forcèrent à marcher (enfin moi). Nous avions prévu une montée athlétique… elle fut un peu pathétique.

Près du sommet, un coin religio-touristique nous attendait, avec une vue sur la plaine du côté de la descente.

  • Est-ce qu’on monte voir le temple ?
  • J’ai pas vraiment envie. Je vais juste prendre un café dans la machine, puis on va redescendre. En plus je suis sûr d’être déjà venu, je connais ce coin-là, je reconnais le paysage et les bâtiments. Par contre j’ai pas la moindre idée comment je suis venu la première fois, nous sommes pas mal loin de la gare…

C’est en fouillant dans mes archives, ce matin, que j’ai retrouvé ce paysage. Ça remontait à 2017, lors d’une randonnée à pied d’une journée à partir d’une gare située beaucoup, beaucoup plus près du mont.


La descente a été un peu gâchée par la mauvaise qualité de l’asphalte, puis, dans la plaine, le vent ne soufflait pas comme nous l’aurions voulu. Il nous poussait violemment de côté, nous forçant à ne pas rouler trop près du bord de la route pour éviter de nous retrouver les deux roues en l’air dans le fossé, au hasard d’une bourrasque. En perte d’énergie, j’ai regretté de n’avoir pris qu’un café sur le mont, au lieu d’y casser la croûte.

En approchant du but, la gare de Koga, j’ai d’abord voulu prendre un raccourci qui m’a rallongé de plusieurs kilomètres, puis j’ai fait la même erreur que la fois précédente dans ce coin, en me laissant tromper par le cours d’eau qui remonte sournoisement vers le nord si on ne prend pas le bon embranchement de la piste cyclable. Ça s’est encore traduit par plusieurs kilomètres supplémentaires.

  • Contre le vent.
  • Froid.
  • À quoi ça sert d’avoir un GPS si on ne suit pas le tracé ?…

Il était environ 14 h 00 quand nous sommes arrivés aux environs de la gare. J’ai hésité : revenir bien au chaud par le train, ou continuer plein sud avec le vent dans le dos pendant deux heures.

  • La gare, évidemment.

Le soleil étant encore assez haut, j’ai opté pour la piste cyclable.

Au bout d’une demi-heure, malgré le vent violent qui nous poussait par-derrière, j’avais atteint la fin de mes réserves d’énergie, les calories de mon déjeuner pris à 6 h 00 étant depuis longtemps épuisées.

  • Fallait choisir la gare…

Ce n’était pas une petite fatigue ordinaire, j’avais du mal à me concentrer sur la piste. C’était dangereux pour moi comme pour les autres. J’ai donc laissé le vent faire le gros du travail, autant que possible, en me promettant de ne plus refaire l’erreur de ne rien manger en route.

  • Ou de choisir la gare.

Béni, lui, est arrivé en pleine forme, tout heureux d’avoir roulé presque sans arrêt de 9 h 00 à 17 h 00. Ce matin au réveil, il s’est exclamé :

  • Alors, où allons-nous aujourd’hui ?!?
  • Où tu voudras, mais tu y vas tout seul…


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