Court récit d’un long détour

Un trajet rouge vin, c’est bien plus beau

Et rien de tel pour célébrer le détournement d’un blog par un vélo.

Auteur : Béni-le-Rouge

Le 25 novembre, je suis allé voir les cygnes au marais Sugaonuma (菅生沼).

Mon cadre était tout propre, ma chaîne bien huilée et mes pneus bien gonflés.

De la maison, c’est une toute petite balade de 22 km, dont la moitié se (dé)roule vers le nord-ouest sur la piste cyclable du fleuve Tone, qu’il faut éventuellement quitter en tournant à 90 ° vers le nord-est. Vous avez ça, en mode visuel, sur la partie gauche de la carte.

Un calme plat régnait sur le marais. Aucun, vraiment aucun, mais absolument pas le moindre cygne vital. Ni cris ni battements d’ailes, rien.

Et pas même le moindre homo sapiens sur le petit observatoire, à part celui qui a pris la photo et qui s’accroche généralement à mes pédales.

Il y a presque un an, en janvier, c’est Branleux qui y est allé, au marais. Le chanceux, il a vu les cygnes !

Moi, je n’ai eu droit qu’à quelques couleurs automnales, dans le parc d’à-côté, avec sapiens, qui avait l’air d’une grosse feuille morte tombée par hasard sur le banc.

Je n’avais roulé que 22 km, le temps était splendide, le vent très léger, pas contrariant du tout, et l’horaire de travail de sapiens complètement vide en ce beau vendredi, alors j’ai décidé de revenir à la maison sous la forme d’un grand-grand détour, en passant par la rivière Kokaigawa (小貝川).

Rien de plus facile : du marais, il suffisait d’aller plein est, toujours plein est. Raison de plus pour le faire en zigzaguant sur les petits chemins de campagne et le long des rizières, en calculant les zigs vers le nord-ouest et les zags vers le sud-est de manière à obtenir une moyenne orientale.

Cette stratégie tortueuse, à résultante rectiligne, nous a menés au bord de la rivière, exactement comme prévu, sauf que nous y sommes tombés sur un bâtiment qui, d’une part, était fermé, et qui, d’autre part, ne ressemblait à rien de ce que j’avais déjà vu le long de la rivière. Comme si ce bâtiment aux murs d’un brun foncé et aux grandes portes rouges cadenassées était atterri là pendant la nuit.

Ça m’a intrigué.

Dérouté.

Faute d’autres options, j’ai laissé ma déroute à l’état d’intrigue et suis monté sur la digue de la rivière pour aller rouler sur la piste. Puis j’ai pris plein sud, comme la rivière.

Plus au sud, donc, je me suis arrêté devant un temple où un arbre fatigué, aux prises avec les lois de la gravité, se faisait aider par de longues béquilles.

Par des tuteurs géants. Ce qui, aux yeux des petits enfants, ferait figure de pléonasme.

Pendant une bonne dizaine de kilomètres, faute de piste cyclable, j’ai roulé sur la route. Une route déserte, parce que pas encore achevée, donc interdite aux véhicules motorisés. Une route toute neuve, juste pour moi.

Confusion totale. Où suis-je donc ? À cette hauteur, il y a une piste cyclable de ce côté-ci de la rivière, j’en suis sûr, j’ai roulé plusieurs fois dessus.

Je consulte la carte dans ma tête, puis c’est le déclic ! Quand on roule plein est depuis le fleuve Tone, il faut forcément traverser la rivière Kinugawa (鬼怒川) avant d’atteindre la Kokaigawa !

Or, le long de la Kinugawa, il n’y a pas vraiment de piste cyclable. À part quelques petits trognons ridicules, ici et là.

Quoi qu’il en soit, je sais maintenant où je suis perdu, ça me console. Pouvoir se dire « Je suis perdu en plein là » a quelque chose de rassurant. Je poursuis donc vers le sud, le cœur léger.

Le long d’un jardin potager, il y avait un long, très long tuyau qui jaillissait d’un petit, tout petit boisé. À sa sortie : de la balle de riz. La chose (le truc, le tuyau) semblait fragile… pour un pays visité si souvent par les typhons.

Plus au sud, j’ai traversé le parc Sudachiyama (巣立山公園), dans un quartier résidentiel tout neuf de la ville de Jōsō (常総市).

J’y ai roulé lentement sous le regard bienveillant des Ginkgo biloba (イチョウ en japonais), pour faire le tour de cette grosse butte recouverte de gazon. Il est intéressant, ce Ginkgo biloba, en ceci qu’il n’est ni un feuillu ni un conifère.

J’aurais dû y monter pour jeter un coup d’œil sur le paysage… ça sera pour une fois.

La suite s’est déroulée sans anicroches. Comme le montre la carte, j’ai bouclé la boucle jusqu’au fleuve Tone, d’où il ne restait qu’à faire un détour jusqu’au pont Shin-Ōtone (新大利根橋).

Avant d’y arriver, je suis passé à quelques centimètres d’écraser cette jolie dame qui prenait le soleil sur la piste. Je me suis arrêté pour parler de la pluie (d’hier) et du beau temps (d’aujourd’hui). Verte de peur au début, à la fin elle m’écoutait religieusement.


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