De la maison à la gare de Shinkemigawa, avec un agréable détour par les plages de Kemigawa et d’Inage dans la baie de Tokyo (2)


La narration du billet précédent se poursuit par une remarque liminaire sur la physionomie de Béni-le-rouge. Le tronc et le cou minces et allongés de Béni, sur lesquels reposent respectivement sa selle et son guidon, ne sont pas parfaitement perpendiculaires au sol, mais plutôt légèrement évasés, le premier vers l’arrière et le second vers l’avant. C’est cela qui procure un écartement suffisant pour assurer le confort du voyageur sur un si petit vélo, à condition qu’il (le voyageur) ne mesure pas plus de 1 m 80.

Poursuivons le récit.

Dans les bas-fonds, un homme se reposait à une intersection tout près d’une banderole mettant en garde contre les arnaques de type furikome sagi (振り込め詐欺), un type d’arnaque qui vise principalement les personnes âgées, en déployant divers stratagèmes pour leur soutirer de l’argent. Activité très lucrative, dans ce pays où le vieillissement de la population est le plus avancé au monde.

À 11 h 00, nous sommes arrivés au lac Inba-numa (印旛沼), où commence la piste cyclable de la rivière Hanamigawa (花見川), dont le cours descend vers le sud jusqu’à la baie de Tokyo.

Dans les hameaux, on aperçoit souvent de petites casernes de pompiers rudimentaires. Sur les volets métalliques de tôle ondulée, la devise classique de la prévention des incendies invite les gens à la vigilance : Hi no yōjin (火の用心)。

Vous aurez peut-être reconnu le 用心 de 用心棒 (Yōjinbō), ce classique du grand cinéaste Kurosawa père. Les caractères de 用心棒 signifient littéralement le « bâton de la vigilance », et désignent un garde du corps.

Tout près, Béni-le-rouge a remarqué la présence d’une très jolie demeure, avec sa vaste cour, typique des demeures des agriculteurs.


Jusqu’à la mer, la piste cyclable longe la rivière Hanamigawa (花見川), dont le nom signifie la rivière de contemplation des fleurs (de cerisier). Béni et moi préférons parfois contempler les ponts, et heureusement pour nous il y en avait beaucoup.

Les cerisiers le long de la piste, c’est bien joli… Le hic, pour les cyclistes, c’est que parfois les racines des arbres s’étendent sous l’asphalte, le fissurent, créant d’innombrables gonflements et petites bosses qui font vibrer le vélo et son cycliste. Rouler à plus de 10 km/h sur ces petites surfaces craquelées tient parfois de l’exploit. Par contre, l’ombre est bien appréciée…


En quittant la piste pour aller acheter un lunch, nous sommes passés devant ce marchand de poisson dont les banderoles annonçaient un prix unique pour tous les produits, 1 000 yens. Iki-iki-ya (活き活き家), disait la devanture en gros caractères rouges. En français, ça donnerait quelque chose comme « Chez Iki-iki », à la nuance près qu’il est bien clair, en japonais, qu’il s’agit de poisson très-très frais, le caractère « 活 » signifiant « vivant » (en l’occurrence, du poisson, des coquillages et des crustacés livrés vivants au resto).

Ce « 活き活き », qui fait encore plus frais que frais et plus vivant que vivant sous l’effet de la répétition, a fait sourciller Béni-le-rouge.

  • Ce « 活 » donne des maux de tête aux Japonais quand ils commandent au resto.

  • Pourquoi donc ?

  • Parce qu’on ne sait jamais trop s’il faut dire « katsu », « iki » ou « ike », quand on le voit dans le nom d’un poisson. Pour le poisson frais en général, 活魚, par d’erreur possible, on dit « katsugyo ». Mais pour cette crevette rose, là, complètement à gauche sur la devanture (活車海老), on dit « ikekurumaebi ». Et un peu plus à droite il y a les coquillages frais, 活貝, que certains prononcent ikegai, d’autres ikigai.

  • Il me semble que si ça se prononçait ikigai, ça s’écrirait plutôt 活貝. Mais comme la devanture dit 活貝, j’aurais plutôt tendance à croire que ça se dit ikegai. En tout cas j’ai déjà lu quelque part qu’au resto, quand on ne sait pas trop comment commander un poisson qui contient ce kanji, il vaut mieux prononcer ike que iki… les chances d’être compris étant plus élevées.

Sur cette conclusion plus ou moins satisfaisante, nous sommes allés acheter un petit lunch juste à côté, l’avons dévoré en quelques bouchées rapides et sommes repartis vers la piste et ses ponts.


Près du pont Benten (弁天橋), la piste s’enfonçait sous un couvert, tandis qu’une jolie borne indiquait qu’il nous restait encore 12,8 km de petit bonheur avant d’atteindre le bout de la piste.


La piste débouchait sur la plage de Kemigawa, dans la baie de Tokyo.

Il y a trois plages dans ce coin de la baie : Makuhari (幕張の浜), Kemigawa (検見川の浜) et Inage (いなげの浜). À vélo, on peut facilement se déplacer de l’une à l’autre en quelques dizaines de minutes, voire moins.

Le gouvernement venait tout juste d’annoncer, deux ou trois jours plus tôt, qu’il n’était pas nécessaire de porter le masque dehors, sauf pour les conversations de près. Soulagement…

Béni contemple le large au bout d’un quai presque désert, sur la plage d’Inage, sous de vieux graffitis. À droite, un pêcheur, le seul présent sur ce quai, occupait l’endroit exact d’où j’aurais voulu prendre la photo, forcément.

Spiderman, après deux années de COVID, avait pris un peu de poids.


Nous avons pris le train du retour à la gare de Shinkemigawa (新検見川駅). Ce n’est qu’après deux ou trois arrêts, sous le regard insistant de Béni, que j’ai réalisé que j’avais oublié de remettre mon masque en montant dans le train… Aaaargh.


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