Sur les traces de Geo Pottering ­(10)

Les Cent vues d’Edo de Hiroshige à vélo : estampe 7, la Statue de la Liberté et la Route de la soie

(Balade du 26 décembre 2019)

Dans ce septième billet sur l’arrondissement de Kita à Tōkyō, nous roulons jusqu’à la gare Akabane pour pénétrer dans la Route de la soie sous le regard de la Statue de la Liberté. Rien de moins ! 😃


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Longueur du parcours : 38 km

Niveau de difficulté : Facile (terrain plat)

■ Gare Tabata, sortie sud

(… billet précédent : 13,8 km)

▸ Parc Nanushi-no-taki : 14 km

▸ Bibliothèque centrale : 15 km

▸ Jūjō Ginza : 16 km

▸ Statue de la Liberté et Route de la soie : 18 km

▸ Parc Ukima : 25 km

▸ Ancienne écluse Iwabuchi : 30 km

▸ Grand pont Ōgi : 35 km

■ Gare Tabata, sortie nord : 38 km


🚴‍♀️ Sur la carte, nous nous déplaçons maintenant du point 6 à la gare Akabane (赤羽駅), en route vers l’emplacement de la septième estampe, que nous atteindrons dans le prochain billet.

Nous nous étions laissés au sanctuaire Ōji Inari, et vous allez maintenant sans plus tarder enfourcher votre vélo avec les membres de Geo Pottering, pour aller jeter un coup d’œil au parc Nanushi-no-taki, à tout juste 0,2 km de là.

Kukkī devant l’entrée du parc Nanushi-no-taki

Vous y trouverez un jardin (entrée gratuite) aménagé à l’ère Ansei (nov. 1854 à mars 1860), donc à la même époque que les estampes des Cent vues d’Edo, par le chef du village d’Ōji (王子村). C’est de là que vient d’ailleurs le nom du parc en japonais, car nanushi (名主) signifie chef de village, ce qui donne littéralement « Parc des cascades du chef du village » (名主の滝公園).

Nous avons présenté ce parc dans un billet précédent, au sujet de la deuxième estampe.

Yukkī devant la seule cascade du parc où de l’eau coulait ce jour-là…

Elle a pour nom Odaki (男滝), littéralement la « cascade mâle ». Les dictionnaires japonais nous expliquent que ce nom est parfois attribué à une cascade lorsque, de deux cascades voisines, il y en a une dont le courant est très agité, en comparaison de la « cascade femelle » (medaki 女滝), plus petite et plus calme. C’est exactement le cas dans ce parc, qui compte en tout quatre cascades, dont seule la cascade mâle coulait lorsque nos amis de Geo Pottering y sont allés.

🚴 Après la visite du parc, la balade se poursuit vers l’ouest pour vers le nord, en passant par la bibliothèque centrale et le parc central de l’arrondissement de Kita, puis par la plus grande galerie marchande Jūjō Ginza, la plus grande de l’arrondissement, dont l’arcade a été construite en 1979.

La bibliothèque centrale↑↓

Le trajet longe le parc central de l’arrondissement

Jūjō Ginza ↑↓

À la grande surprise de nos amis cyclistes, des bars y sont déjà ouverts en début d’après-midi. Et tout aussi surprenants sont les bas prix affichés un peu partout, autant pour la bouffe que pour les vêtements des magasins d’aubaines (激安店).

『うそ〜、こんな値段、信じられない〜〜』(笑)
« Non mais c’est pas vrai… des prix comme ça, c’est pas croyable ! », semble se dire Kukkī 😆

À partir de là, il fallait soit retourner vers les limites de l’arrondissement, soit prendre la direction d’Akabane (赤羽). Kukkī a insisté pour passer par Akabane :

赤羽はシュールでディープな街。駅前に自由の女神がありますよ〜
Akabane, c’est un quartier surréaliste, un quartier profond. Et puis devant la gare, il y a la Statue de la Liberté ! (Kukkī)

En route, donc, pour Akabane…

… en passant d’abord par le parc Shimizuzaka ( 清水坂公園) :

En arrivant à la gare, vous serez vous aussi accueillis par la Statue de la Liberté. Il suffit de lever la tête et de regarder un peu du côté des toits.

Au niveau de la rue, Salīna invite alors le groupe à passer par la Route de la soie de la Première avenue (一番街シルクロード). Il s’agit d’une très étroite rue marchande en arcade. Et comme Yukkī connaît bien le coin, il entraîne le groupe sur cette étroite route de la soie, dont, soit dit en passant, les clients occupent déjà presque toutes les places disponibles dans les « pubs de jour » (昼呑み屋), qui, comme le nom l’indique, ouvrent très tôt.

Ce que Salīna cherche, elle, c’est le marchand d’oden Maruken Suisan. Mais elle n’est pas la seule, il y a foule au comptoir…

La Première avenue se poursuit au-delà de la Route de la soie, sur une section sans arcade de l’avenue. On y passe devant Marumasuya (まるます家).

C’est là, explique Yukkī, qu’a commencé la vogue des pubs de jour, après la Deuxième Guerre mondiale.

隣の川口にはたくさん工場があり、夜勤明けの労働者がここで一杯飲んでから帰れるように店を開けたのが始まりなんだそうです。
Il y avait plusieurs usines dans l’arrondissement voisin, Kawaguchi, et il paraît que tout a commencé ici, quand on a ouvert ce commerce pour que les travailleurs de nuit qui revenaient des usines puissent y prendre un verre avant de rentrer à la maison.

Sur la carte, la balade continue ensuite vers la gauche, jusqu’à la limite ouest de l’arrondissement, puis bifurque presque plein nord jusqu’à la rivière Shingashigawa. Nous roulons un moment dans l’arrondissement d’Itabashi (板橋区), car la limite avec celui de Kita se trouve au beau milieu de la rivière. Puis nous empruntons un pont réservé aux piétons et cyclistes (歩行者自転車専用橋) pour revenir dans Kita et y rouler jusqu’au parc Ukima (浮間公園).

Konta, sourire aux lèvres, roule le long de la rivière Shigashigawa

Devant l’étang du parc Ukima

Après ce parc, le trajet longe le fleuve Arakawa (荒川) vers l’aval, donc vers l’est, sur quelques kilomètres de la longue piste cyclable et large piste cyclable. Occasion idéale pour se faire dégourdir les jambes avant d’arriver sur les lieux de la prochaine estampe.

Salīna en tête, le groupe passe sous le viaduc de la ligne Tōhoku Honsen (東北本線), puis pénètre dans l’« Arakawa Akabane Sakura Tsuzumi Ryokuchi » (荒川赤羽桜堤緑地), un espace vert tout en longueur, comme son nom d’ailleurs. Et c’est là que se trouve finalement, tout près du Nouveau grand pont Arakawa (新荒川大橋) de la route 122, l’emplacement de la septième et dernière estampe de l’arrondissement de Kita, estampe 20 sur Wikipédia. C’est aussi le lieu le plus au nord des Cent vues d’Edo.

川口のわたし善光寺 Le transbordeur de Kawaguchi et le temple Zenkōji, février 1857

Dans le billet du 8 janvier dernier, nous avons parlé du relais de Senju, première station d’hébergement de la route Nikkō Kaidō (日光街道) à l’époque Edo. Ici, l’estampe est peinte depuis le relais d’Iwabuchi (岩淵宿), première station de la route Nikkō Onari Kaidō (日光御成街道). On dit que même s’il était moins fréquenté par les voyageurs que le relais Senju, le relais d’Iwabuchi attirait quand même pas mal d’habitants d’Edo, car ceux-ci passaient par là pour se rendre au temple Zenkōji (善光寺), de l’autre côté du fleuve.

Sur l’estampe, on peut voir un transbordeur qui vient tout juste de quitter la rive pour faire la traversée avec ses passagers. Il y avait aussi des radeaux, comme ceux-ci au milieu du fleuve, qui transportaient le bois d’œuvre de la région de Chichibu pour les magasins ou entrepôts des grossistes (tonya 問屋) de Senju.

Curieusement, bien qu’il constitue l’un des deux éléments du titre de l’estampe, le temple Zenkōji se trouve en partie caché sur l’estampe. À ce sujet, dixit l’article de Wikipédia, Melanie Trede et Lorenz Bichler ont émis l’hypothèse que Hiroshige faisait peut-être ainsi référence à la pratique de ce temple qui n’exposait son hibutsu (秘仏 bouddha secret) au public que tous les 17 ans.

Sous un soleil déclinant, nos amis cyclistes ont pris une photo des lieux depuis le Nouveau grand pont Arakawa (Shin-Arakawa-Ōhashi 新荒川大橋). On peut y reconnaître, sur l’autre rive, le temple Zenkōji sous son apparence actuelle… et la luxuriante forêt d’immeubles élevés qui l’entoure.


Après cette dernière estampe, le groupe termine son tour de l’arrondissement de Kita en passant par l’ancienne écluse Iwabuchi et le Grand pont Ōgi.

Le trajet passe sur l’ancienne écluse Iwabuchi, dite « l’écluse rouge ». Construite de 1916 à 1924, elle a été repeinte en rouge en 1955. On peut y rouler à vélo pour aller sur la petite île et son Parc de l’écluse (水門公園), puis revenir sur la piste cyclable, qui passe sur la nouvelle écluse (dite l’écluse bleue).

Au loin, par beau temps, on aperçoit très bien la tour Sky Tree depuis la piste.

青水門を渡って墨田川と荒川の間を行きます。前方に東京スカイツリーが見えてきました。今なら広重はこの日本一高い塔を百景として描いたでしょうね。
Nous franchissons l’écluse bleue, puis continuons entre le fleuve Sumida et le fleuve Arakawa. Devant nous apparaît maintenant la tour Sky Tree. Si Hiroshige avait vécu à notre époque, il aurait sans doute peint cette tour, la plus haute du Japon, dans ses Cent vues.

Le Grand pont Ōgi, dominé par le Grand pont Goshiki Zakura (五色桜大橋) de la Route circulaire centrale métropolitaine (首都高速中央環状線).

Pour terminer, le groupe voulait entrer au parc d’attractions Arakawa, en bordure du fleuve Sumida, mais… retardé par un problème mécanique juste à l’entrée du parc, il doit se résigner à filer tout droit vers la gare de destination, car le soleil se couche.

Avant de rentrer chacun chez soi, nos cyclistes terminent cette sortie dans un resto près de la gare, pour échanger leurs opinions sur ce trajet d’estampes né des circonstances exceptionnelles de la COVID-19. À la satisfaction générale et à l’unanimité, la décision est prise avec enthousiasme de poursuivre l’expérience en allant rouler aussi dans les autres arrondissements de Tōkyō, à la recherche des Cent Vues d’Edo du peintre Hiroshige !

De gauche à droite : Yukkī, Konta, Sider, Salīna et Kukkī