Sur les traces de Geo Pottering ­(12)

Les Cent vues d’Edo de Hiroshige à vélo : estampe 9

(Balade du 4 janvier 2020)

Sur le pont Kita-Shinagawa


Tracé et points d’intérêt du parcours


Liens : Compte rendu en japonais / Fichier gpx en français / Google Map / Garmin Connect / Ride With GPS / Vidéo


Longueur du parcours : 21 km

Niveau de difficulté : Facile (terrain plat)

Trajet jusqu’à la deuxième estampe du parcours (neuvième de la série)

■ Entrée de Shinagawa-shuku (gare Shinagawa ou Kita-Shinagawa)

▸ …(billet précédent)

▸ Shinagawa-ura

▸ … (billets suivants)

■ Gare Tamachi


🚴 Après avoir visité les lieux hypothétiques de la première estampe du parcours, près du petit monument des vestiges de l’ancienne maison close Dozō-Sagami, le groupe se dirige vers l’est en direction de Shinagawa-ura. Pour cela, il quitte l’ancienne route du Tōkaidō et emprunte l’avenue Yatsuyama, pour aboutir devant l’anse de Shinagawa (品川浦 Shinagawa-ura), étroitement entourée d’édifices et de maisons.

品川の海がほぼ完全に埋め立てられてしまった今日、ここはこのあたりで唯一江戸時代の雰囲気を残すところと言っていいでしょうか。 (Geo Pottering)
Aujourd’hui, alors que la surface de la mer a été presque entièrement remblayée à Shinagawa, cet endroit est probablement le seul, dans le coin, a avoir préservé l’atmosphère de l’époque Edo.

Tout près de là, la deuxième estampe du trajet nous attend. Intitulée 品川すさき (La langue de terre de Shinagawa), elle date d’avril 1857. À l’époque Edo, cette petite péninsule était apparemment très fréquentée.

*La langue de terre de Shinagawa, avril 1857 (estampe 83 sur Wikipédia)

S’y trouvait le sanctuaire Susaki Benten (洲崎弁天), lieu de culte de Benten, une des sept divinités du bonheur. Le cours d’eau qui passe devant le sanctuaire, sur l’estampe, est la rivière Meguro, dont le cours correspond à l’actuelle avenue Yatsuyama, sur laquelle nos cyclistes viennent tout juste de passer… Le pont, sur la droite, avait pour nom 鳥海橋 (torimi-bashi), composé des kanjis de l’oiseau (鳥) et de la mer (海), et il semble effectivement offrir un point d’observation idéal pour observer les uns et contempler l’autre.

Dans le coin inférieur gauche, on aperçoit encore une fois le lupanar de l’estampe précédente, le Dozō-Sagami, avec sa vue imprenable sur la baie.

Plus loin, en haut à droite, on aperçoit la langue de terre de Godaiba (御台場), vers laquelle le trajet parcouru par Geo Pottering va continuer, en route vers la troisième estampe du parcours.

En cliquant sur ce lien, on peut nettement distinguer, dans la baie, le grain du bois utilisé pour l’estampe.

Je ne savais rien de ce qui suit avant d’avoir fouillé sur le Net, mais il faut savoir qu’à l’étape initiale, une estampe d’ukiyoe commence généralement par un simple croquis jeté sur une feuille ordinaire, puis ce dessin fait l’objet d’un deuxième jet sur une feuille de papier très mince. À cette étape, il semble que seule la couleur noire était utilisée par le peintre. Dans le cas des Cent vues d’Edo, ces feuilles rappellent le format de l’écran de nos téléphones portables tenus à la verticale, en plus grand, soit environ 15 pouces sur 10 pouces (14 sur 9 pour le dessin lui-même). Le papier, trop mince pour permettre au peintre d’y apporter directement des corrections, l’oblige à le faire sur de petits morceaux de papier qu’il colle ensuite sur la feuille principale.

Ce dessin passe ensuite entre les mains d’un deuxième artiste, la plupart du temps oublié par l’histoire : le graveur. Celui-ci enduit la feuille d’une faible colle de riz, puis la retourne pour l’appliquer contre la planche de cerisier sauvage (山桜), planche qu’il grave ensuite en suivant les contours du dessin. Cela exige un travail d’une grande précision, mais aussi le choix judicieux d’un bois dont le grain convient au dessin.

L’étape suivante fait appel au talent d’un troisième artiste, lui aussi oublié par l’histoire : l’imprimeur. Sur la planche principale noire qu’il reçoit du graveur, il détermine l’agencement des couleurs, pour que le graveur produise autant de planches secondaires qu’il y aura de couleurs sur le dessin final. Au bas de cette page, on peut voir la planche principale peinte en noire, puis les planches secondaires du graveur utilisées par l’imprimeur pour créer l’œuvre finale, morceau par morceau, couleur après couleur. Pour « imprimer » le dessin, l’imprimeur utilise un tampon fait d’écorce de bambou, tampon appelé baren.

Le travail de l’imprimeur est présenté sur une vidéo de Musée national de Tokyo, ici.

Pour résumer, outre l’éditeur qui commandait la série d’estampes sur un thème donné, la production des ukiyo-e nécessitait le travail combiné de trois artistes : le peintre (絵師 eshi), le graveur (彫師 horishi) et l’imprimeur (摺師 surishi).


Au moment où j’écris ces lignes, mon compagnon bipède prépare ses bagages pour aller rouler sur ce trajet à Shinagawa, avec trois autres membres de Geo Pottering. Trois petites années se sont écoulées depuis la balade du 4 janvier 2020, le paysage ne doit pas avoir beaucoup changé ^_^, mais qui sait, nous y ferons peut-être une ou deux découvertes.

À suivre…


21 mai 2023

Je viens de tomber, plus au moins par hasard, sur le terme français qui désigne le tampon (baren) utilisé pour l’impression des estampes : frotton ou frottoir.


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